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citoyen libanais
31 octobre 2008

Les migrations d’Al-Qaïda

« A mon avis, il faut que le mouvement place ce qu’il peut en lieu sûr sans hésiter, ni atermoyer »

                                                                                                           Ayman Al Zawahiri.

                                                 

 

Une des particularités d’Al-Qaïda est sa capacité de réduire ses opérations dans un pays où la répression devient trop forte et de se déplacer vers d’autres champs de bataille. Depuis la fin 2007, elle a effectué une série de replis que je tenterais de retracer.

 

1- D’Irak vers l’Afghanistan et le Pakistan.

À partir de mars 2007, sous les coups conjugués de la « Sahwa » (révolte des tribus sunnites contre Al-Qaïda) et de l’armée américaine dont les effectifs ont été renforcés à l’instigation du Général Petraeus (février 2008), 12 provinces ont été pacifiées et remises à la seule autorité de l’armée irakienne. En juin 2006 le leader d’Al-Qaïda, Abou Moussab El Zarkawi était tué et son numéro deux, le marocain Abou Qaswara, le 15 octobre de cette année. À partir de juin apparaissent des femmes kamikazes, ce qui démontre les difficultés de recrutement qu’affronte le mouvement et son extrême prudence. Confirmant ce reflux d’Al-Qaïda, le président Bush annonce le 9 septembre un premier retrait de 8000 soldats en février 2009.  Les attentats ne se sont toutefois pas arrêtés, mais ils sont le plus souvent attribués à des agents iraniens, déclare Qassem Atta responsable de la sécurité à Bagdad le 24 septembre, affirmation reprise par une étude parue le 11 octobre aux États-Unis (1). Enfin dans une enquête publiée le 31 juillet, le Washington Post confirme que les chefs d’Al-Qaïda quittent l’Irak pour l’Afghanistan et que le nombre de combattants arabes qui entrent en Irak est passé de 110 en 2006 à 20 en 2007.

 

2- En Afghanistan.

Depuis 2006, les Talibans, protecteurs d’Al-Qaïda, commencent à relever la tête. Appartenant à l’ethnie Pachtoune majoritaire, ils mettent à profit le mécontentement de la population face à l’incurie du gouvernement et la brutalité des soldats de l’ISAF (Mission de l’OTAN), qui par manque de moyen n’a jamais pu éradiquer complètement le mouvement islamiste. Aidés par le double jeu de l’ISI, les services secrets pakistanais, ils ont pu rebâtir leurs forces en recrutant des combattants de toute l’Asie, y compris les pays arabes et se sont rapprochés des éléments les plus radicaux d’Al-Qaïda. Ils sont également rejoints par des combattants indépendantistes du Cachemire Indien, rompus aux techniques de guérilla les plus récentes, chassés par l’ISI, quand à partir de 2003 les relations entre l’Inde et le Pakistan ont commencé à se réchauffer (2).  À la fin 2006, les Talibans tentent de reprendre la ville de Kandahar, leur première grande opération, ce qui provoque une réplique sanglante, mais inefficace de l’ISAF : 2100 frappes aériennes au second semestre de 2006 contre 88 en Irak (3). Ensuite, s’ensuit une série d’opérations spectaculaires. Le 12 juin, Al-Qaïda leur allié, revendique l’explosion survenue dans l’ambassade du Danemark. Le 13 juin, les Talibans libèrent 750 prisonniers de la prison de Kandahar, le 29 ils occupent momentanément la ville stratégique de Peshawar. Le 7 juillet, ils posent une bombe devant l’ambassade indienne à Kaboul. À ce propos, le président Karzai accuse l’ISI de les avoir soutenus. La liste est sans fin. Mais dès fin juillet, l’ISAF et le gouvernement Afghan tentent de répliquer. L’armée entame sa contre-attaque par l’exécution d’Abou Khadad Al Masri, le chimiste d’Al-Qaïda. S’en suit une série d’offensives tout le long de l’été, jusqu’en octobre où le 13, des combats opposent pour la première fois des tribus afghanes aux Talibans. Suite au rapport de l’American Intelligences Services qui accuse l’ISI de soutenir les Talibans, le Président Karzai se réunit le 3 août avec le premier ministre pakistanais pour coordonner leur action contre les Talibans et Al-Qaïda. Mais les résultats restent maigres. Pour soutenir l’effort de guerre, le chef de l’état-major de l’armée américaine le 3 juillet demande en vain le renforcement des troupes de l’alliance. Ce refus fut réitéré par Robert Gates le 2 octobre qui ne prévoit pas un envoi de soldats avant le printemps 2009. Les alliés sont dans l’impasse. Leur offensive a certes stoppé la progression des insurgés, mais les Talibans ne sont pas anéantis. C’est alors que le ton change. Tour à tour l’American Intelligences Services (le 8 septembre), le ministre de la Défense afghane (le 5 octobre), l’envoyé spécial de l’ONU en Afghanistan, le commandant des troupes anglaises (le 6 octobre), le premier ministre canadien (le 7 octobre) et le général John Kardock de l’OTAN (le 21 octobre), déclarent à quelques mots près la même chose. Premièrement, le combat doit continuer. Le président Bush se réunit avec le général Mac Kirman commandant de l’ISAF, le premier octobre, pour établir une nouvelle stratégie et le général Petraeus qui succèdera le 31 octobre à Mac Kirman établit un groupe de réflexion composé de cent spécialistes pour le même but. Deuxièmement, le problème afghan ne peut être résolu uniquement par la force. Il faut l’aborder également par la négociation avec les Talibans et le développement. Tout cela est confirmé avec la première prise de contact entre les Talibans et des officiels afghans, qui a eu lieu en Arabie Saoudite fin septembre à la demande du président Karzai. Dans un premier temps, les Talibans démentent la nouvelle, puis le porte-parole du Mollah Omar, Émir des Talibans, confirme la nouvelle à l’agence Reuters le 8 octobre. Les Talibans veulent saisir leur chance. Après tout, les États-Unis avaient toléré leur régime jusqu’au 11 septembre 2001. Ils ne les avaient chassé du pouvoir qu’à cause de leur entêtement à protéger Oussama Ben Laden et son organisation. Les Talibans seraient-ils prêts aujourd’hui, pour retrouver une légitimité, à se débarrasser de leur hôte encombrant ? On serait tenté de le croire tant Al-Qaïda ne leur aura amené que des malheurs. Cette analyse recoupe celle du Journal Al-Hayat du 14 octobre, qui révèle que deux courants s’affrontent au sein des Talibans. Un premier, qui soutient Al-Qaïda et un second, qui prend de l’ampleur, dirigé par l’ancien ministre des Affaires Etrangères du mouvement Wakil Moutawakil et Abdel Salam Daïf ancien ambassadeur au Pakistan. Les deux hommes seraient prêts à se débarrasser d’Al-Qaïda s’ils obtiennent une part du pouvoir à Kaboul et une reconnaissance des Etats-Unis. L’Iran, ennemi juré des Talibans et d’Al-Qaïda, reflétant le sérieux des pourparlers, a averti par la bouche de son ministre des Affaires Etrangères le 20 octobre, que tout accord avec les Talibans serait une catastrophe. Il craint évidemment un transfert des combattants arabes chassés d’Afghanistan vers le Balouchistan iranien ou des islamistes sunnites se sont organisés depuis plusieurs années et s’accrochent régulièrement avec les forces iraniennes. Enfin, en Egypte s’est achevée le 22 octobre une conférence organisée par le « Centre d’Étude Stratégique pour le Futur » qui conclut dans le même sens, l’Afghanistan n’est plus un sanctuaire pour les combattants d’Al-Qaïda.

 

3- Au Pakistan.

Je daterais le début du conflit entre d’un côté Al-Qaida allié aux Talibanx pakistanais et le gouvernement pakistanais, à l’assaut donné le 3 juillet 2007 à la mosquée rouge d’Islamabad, bastion des islamistes. Depuis c’est une guerre sans merci qui se déroule dans la capitale et dans la zone tribale à la frontière de l’Afghanistan. J’en évoquerais les principales étapes à partir de la démission du président Moucharraf le 18 août 2008, date à laquelle les attentats se multiplient. On dénombre depuis au moins 200 morts entre civils et militaires. Le 13 août, le troisième homme d’Al-Qaïda Moustapha Abou Al Yazid est abattu par l’armée et 16 islamistes sont tués par les habitants de la zone tribale du Waziristan. Le 3 septembre, les insurgés répliquent par une tentative d’assassinat du premier ministre. Dans la semaine du 12 septembre, plus de cent combattants islamistes sont morts au combat. Nouvelle réplique des Talibans, une voiture bourrée de 600 kg d’explosifs éclate devant l’hôtel Marriott dans la capitale, bilan, 52 morts. Le 26 septembre, l’armée déclare avoir tué en un mois mille Talibans.  

 Et les combats à ce jour n’ont pas baissé d’intensité. La stratégie pakistanaise est différente de celle adoptée par l’Afghanistan. Aucune négociation n’est envisagée, le 3 octobre le ministre de l’Intérieur confirme que la guerre contre le terrorisme ne s’arrêtera pas. Elle s’articule sur trois axes. Le premier est la réorganisation de l’armée. Le 29 septembre, le général Ashfaq Parvez Kayani, chef de l’armée change quatre des neufs commandants de corps et nomme un nouveau chef de l’état-major ainsi qu’un nouveau directeur de l’ISI, accusé de soutenir les Talibans. Deuxièmement, l’alliance avec les Etats-Unis. Malgré quelques incidents à la frontière de l’Afghanistan, à partir de laquelle les Américains avaient lancé des missiles et des commandos en territoire pakistanais et les protestations d’Islamabad, la coopération entre les deux pays se renforce. Le président Bush devant le premier ministre pakistanais en visite à Washington le 23 septembre, annonce que les USA sont déterminés à aider le Pakistan dont’ ils respectent la souveraineté. Le 8 octobre, le commandant Charles Makveil de l’Organisme de Planification de l’Armée américaine, révèle que les Etats-Unis vont livrer au Pakistan 6000 véhicules de transports de troupes blindés et 75000 fusils d’assaut de type M16. Sur le plan civil, les Etats-Unis avaient déjà débloqué (26 juin) une aide trois fois supérieure à l’aide militaire pour le développement des zones tribales. Troisièmement, la formation depuis août par l’armée d’une milice formée d’éléments tribaux sur le modèle de la « Sahwa » irakienne. Cette milice prend le nom de « Lachkar ». Il faut ici opérer une distinction entre les deux cas irakien et pakistanais. Les membres de la «Lachkar » sont mal organisés et moins armés que les Talibans. Surtout ils appartiennent à la même ethnie que les Talibans. Ils ont supporté ceux-là tant que l’armée n’intervenait pas dans leur région, autonome de facto depuis la création de l’Etat pakistanais. Mais face à la détermination de l’armée de combattre les Talibans, ils préfèrent s’allier aux militaires à condition que ceux-là ne s’implantent pas durablement dans leurs zones. Ils sont également excédés par les débordements des insurgés qui n’hésitent plus à attaquer leurs villages s’ils ne leur sont pas totalement inféodés. Le 10 octobre, une « Jirga » réunion traditionnelle de chef de tribu a subit un attentat meurtrier, qui se solda par la mort de 80 personnes. Ce fut un point de non-retour. Or les tribus pakistanaises attribuent cet attentat et le radicalisme des Talibans, aux combattants étrangers dans leurs rangs, c'est-à-dire Al-Qaïda. Si ils sont prêts à composer avec les Talibans issus de leurs rangs, ils sont déterminés a aidé les forces pakistanaises à chasser les hommes d’Oussama Ben Laden (4).  Richard Boucher, sous-secrétaire d'État américain chargé de l'Asie centrale et du sud, de retour d'Islamabad déclare « Il y a de plus en plus de chefs tribaux qui prennent conscience que ces étrangers mettent en danger l'avenir du Pakistan » (5).

 

4- Les nouveaux champs de bataille.

Comme nous l’avons démontré, si Al-Qaïda reste implantée à des degrés divers en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, elle subit dans ces trois pays une pression inédite. Quels sont les pays où elle pourrait se redéployer ?

Au Yémen, le 17 septembre l’attaque menée contre l’ambassade américaine est l’action la plus spectaculaire des islamistes depuis l’attentat contre le navire de guerre US-COL en 2000. Mais deux mois précédents l’attaque du 17 septembre, le président Saleh, s’était débarrassé du conflit de Saada qui l’opposait à la tribu Hawthite. Il annonçait la fin des opérations militaires le 18 juillet et le chef de la rébellion acceptait le 8 août la proposition de paix du gouvernement. Depuis les militaires yéménites se sont concentrés sur Al-Qaïda. Le 13 et le 25 août, ils annoncent le démantèlement de cellules terroristes dans le Hadramouth. Le 22 septembre soit trois jours après l’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis, ces auteurs sont arrêtés, suivi d’un autre coup de filet le 6 octobre. Al-Qaïda éprouvera dans ces conditions des difficultés à s’enkyster au Yémen.

Le Golf et le Koweït selon le ministre des Affaires Etrangères australien (le 3 octobre) seront les prochaines cibles d’Al-Qaïda. Il se peut fort, que des attentats y soient perpétrés surtout contre les intérêts occidentaux, mais ces pays peuvent être difficilement des bases fixes pour l’organisation terroriste. D’abord leurs petites tailles et l’absence de banlieues misérables et labyrinthiques, rend toute implantation d’infrastructure visible et donc vulnérable. Ensuite un accord tacite serait passé entre Al-Qaïda, les Émirats et le Koweït, stipulant que l’organisation terroriste les épargnerait en contrepartie d’un financement ou du moins de la permission accordée par ces pays aux argentiers d’Al-Qaïda d’utiliser leur circuit financier pour placer et déplacer des fonds.

L’Arabie Saoudite, longtemps la cible d’Al-Qaïda annonce le 26 juin l’arrestation de 700 activistes. Elle entame le 22 octobre le procès de 991 islamistes, dont des dignitaires religieux. Si les chiffres sont impressionnants et démontrent le grand nombre de sympathisants que compte le royaume, il démontre également la détermination des Saoud à abattre l’hydre terroriste, brisant un tabou, en n’hésitant plus à inculper des prêcheurs officiels de mosquées et des ulémas.

À Gaza les choses sont entendues depuis longtemps. Les dirigeants d’Al-Qaïda ont à plusieurs reprises critiqué le Hamas, l’accusant de collusion avec l’Etat sioniste. Depuis la trêve entre le Hamas et Israël signée le 19 juin, les maitres de Gaza poursuivent les militants du Jihad Islamique, proche d’Al-Qaïda, chaque fois que ceux-là tirent des missiles sur Israël. Le 24 juillet, une nouvelle organisation radicale, « Kataeb al Awda » revendique l’explosion d’une voiture piégée à Gaza. Le Hamas arrête ses membres et ferme ses bureaux. « Jeich El Umma » une organisation fraichement constituée, effectuait le 3 septembre des entraÏnements militaires en plein jour et se fait filmer. Le lendemain, ses dirigeants sont sous les verrous, dans les geôles du Hamas. Un autre groupuscule se forme le 6 octobre, il prend pour nom « Afwaje Hezbollah ». Le 23, il tire une roquette sur la colonie de Sederot. Il n’en faut pas plus au Hamas pour le dissoudre. Vraisemblablement Al-Qaïda tentera encore de s’implanter à Gaza et sous de multiples appellations, mais le blocus de la ville et l’animosité qu’éprouve le Hamas à son égard ne lui rendront pas la partie facile.

L’Egypte est le pays d’origine d’Ayman Al Zawahiri, numéro deux de la nébuleuse terroriste. Il y a fait ses premières armes, où il organise dans les années 90 une série d’attentats. Il est issu du Jihad Islamique, groupe radical clandestin, qu’il a quitté pour rejoindre Oussama Ben Laden. Or cette organisation qui aurait pu lui servir de relais pour s’implanter en Egypte, connaît une mutation. Sayed Imam Al Sharif, son leader emprisonné a, le 5 mai 2007, annoncé que son organisation regrettait les violences qu’elle avait initiées (6). Le 24 septembre de cette année, un iftar est organisé par les autorités dans une prison au Caire ou sont retenus Sayed Imam Al Sharif et des dirigeants de la « Jamaa Islamique » autre groupe terroriste. Six jours plus tard, la même « Jamaa Islamique » propose à l’Etat égyptien « Une réconciliation historique » (7). L’importante organisation des « Frères musulmans » ayant elle aussi renoncé à la violence, il sera difficile dans ces conditions à Al-Qaïda de trouver en Egypte des alliés susceptibles de l’héberger.

En Tunisie et au Maroc depuis 2003 à 2007, seuls trois attentats ont été perpétrés. Ces deux pays collaborent étroitement avec l’Union Européenne pour combattre les cellules terroristes (en juin 07, des complices des auteurs des attentats au Maroc sont jugés en France) et la Tunisie a adopté en décembre 2003 une loi anti terreur comportant une définition relativement large du terrorisme, ce qui permet une répression sans état d’âme. Seule l’Algérie a subi une forte recrudescence des attentats depuis 2007. 18 attentats et des centaines de morts en deux ans dont le dernier remonte au 28 septembre. Ils sont pour la plupart revendiqués par « Al-Qaïda pour le Maghreb Islamique » nom que le GSPC (8) algérien a pris depuis qu’il s’est rallié le 11 septembre 2006 à Al-Qaïda. L’Algérie serait-elle le prochain refuge des terroristes errants ? Le patron du BND, service de renseignement allemand semble le confirmer. Il prévoit le transfert des camps d’entrainement d’Al-Qaïda du Pakistan et d’Afghanistan, au Sahel au nord du Mali et de la Mauritanie à la frontière de l’Algérie où « Al-Qaïda pour le Maghreb Islamique » est implanté depuis plusieurs années. Il cohabite avec difficulté avec les Touaregs maliens, révoltés contre le gouvernement de Bamako. Mais Ibrahim Ag Bahanga, leur Coordinateur Général reconnait que faute de moyens il ne peut à lui seul réprimer les terroristes qui tentent d’enrôler sa rébellion dans des opérations d’enlèvements de touristes qui desservent sa cause. Il ajoute également que les Etats-Unis ne lui ont adressé aucune aide (8). Le Sahel et l’Algérie semblent donc être la destination la plus probable d’Al-Qaïda mise en difficulté dans ses bases précédentes. Quand n’est-il de la Syrie et du Liban ?

Je débuterais par rappeler les attentats et incidents qui ont secoué la Syrie depuis deux ans.

Le 24 juillet 2007, une explosion survient dans un complexe militaire à Alep, le bilan est de 15 morts. Le 24 juillet 2007, le cheikh Mahmoud Abou Kagkag, connut pour organiser le passage de combattants islamistes en Irak est assassiné, également à Alep. Le 12 février 2008, Imad Moughnié, le chef des opérations du Hezbollah est tué à Damas dans un attentat à la voiture piégée. L'agence officielle Sana annonce que le 5 juillet une mutinerie a éclaté dans la prison de Saydnaya, à quarante kilomètres au nord de Damas. Menée par des détenus islamistes, sa répression aurait provoqué la mort de 25 prisonniers. Le premier août, le général Mohamed Sleimane, proche collaborateur du président Assad et officier de liaison avec le Hezbollah, est abattu par un franc-tireur. Le 27 septembre, une voiture explose près du mausolée de Sit Zainab, région fréquentée et habitée par des pèlerins et des hommes d’affaires Iraniens. Plusieurs noms d’officiers syriens ont été cités comme victimes de l’attentat. Enfin le 9 octobre, le camp de réfugiés palestinien de Yarmouk est le théâtre d’affrontement entre des islamistes et les forces de sécurités syriennes. La Syrie, le 28 septembre accuse des islamistes d’être à l’origine de l’attentat du 27, elle annonce que la voiture piégée est rentrée d’un pays arabe voisin. Le président Assad le 29, met en cause le Liban en affirmant que le nord de Tripoli est un repère de terroristes. Après le déploiement de troupes à la frontière du Akkar le 21 septembre, c’est au tour d’un déploiement au nord de la Békaa le 7 octobre. Les adversaires de la Syrie au Liban et ailleurs y ont vu une tentative du régime Baasiste de revenir au Liban sous prétexte de se protéger de nouvelles attaques. C’est possible. Mais il est une autre explication qui s’adapte mieux à notre analyse et qui n’annule pas nécessairement la première. Le régime alaouite minoritaire dans un pays sunnite a été jusque-là épargné par la vindicte d’Al-Qaïda pour la simple raison, qu’à ce jour, il refuse toute normalisation avec Israël. Il est vrai que d’autres pays arabes qui n’ont pas signé de traité de paix avec Tel-Aviv sont la victime d’attentats. C’est leur relation avec Washington qui les rend coupables. Or le président Assad, aux yeux d’Al-Qaïda, a commis ces deux années trois fautes. Il a accepté à l’insistance des Américains de restreindre le passage de combattants arabes en Irak, il négocie avec Israël, sans rompre avec le régime iranien chiite honni. Il n’en faut pas plus pour que la Syrie devienne une nouvelle cible. Les Iraniens ont à ce sujet interdit à leurs dirigeants et à ceux du Hezbollah de se rendre en Syrie (9). Nawaf Al Moussawi responsable des relations extérieures du Hezbollah, sans démentir la nouvelle en a réduit l’urgence (10). Vu la chape de plomb qui pèse sur la Syrie, on connaît mal les organisations terroristes présentes sur son territoire. Les médias Syriens ont pointé du doigt deux d’entre-elles, « Ghouraba Al Cham » fondée par Abou Moussaab Al Sourri un ancien de l’Afghanistan, actuellement en prison aux Etats-Unis et, « Jund El Cham ». Ces informations sont à prendre avec beaucoup de prudence. Il n’en reste pas moins qu’en Syrie, quadrillée par ses services de renseignements, la mouvance islamique, sans pouvoir s’y implanter ouvertement, trouvera des relais, auprès d’une société majoritairement sunnite. Les banlieues tentaculaires de ses grandes villes sont des repères de choix ou des prédicateurs fondamentalistes, officient dans des mosquées dont la surveillance ne peut-être sans failles.

Au Liban, les islamistes sunnites sont, depuis la création du Liban, présents d’une manière ou d’une autre sur la scène politique. Le nombre des organisations est aussi considérable. Il n’est pas possible dans le cadre de cet article de retracer leurs trajectoires et de les nommer toutes. Je privilégierais une approche événementielle. Je débuterais avec la guerre menée à Naher El Bared contre « Fateh El Islam » en mai 2007, quand cette organisation prétendait ériger un « Émirat islamique ». Ensuite il y eut les deux attentats contre la FINUL les 26 juin 2007 et le 8 janvier 2008 revendiqués par la même organisation. Ayman El Zawahari rentre en jeu le 22 avril 2008 en faisant diffuser sur internet un enregistrement où il dit que « Le Liban allait jouer un rôle pivot dans la lutte contre les Croisés et les Juifs ». Puis il y eut les deux attentats du 13 août et du 29 septembre à Tripoli et l’arrestation de leurs auteurs le 12 octobre, sans qu’on ne connaisse encore leur affiliation. Il existe au Liban trois groupes distincts d’islamistes. Le premier représenté principalement par la « Jammaa Islamique » et les « Ahbache », joue la carte de la légalité. Le second, les « Salafistes » et « Wahabites » sont tous issus d’une même matrice. Ils sont plusieurs dizaines de formations dues à des scissions successives. Mal organisés, sans grand moyen, ils sont surtout montés verbalement contre les chiites depuis le coup de force du 7 mai. Ceux qui nous intéressent sont d’abord le groupe dit de « Dinnieh » du nom de la région qui connut des affrontements en 2000 et dont certains éléments relâchés en 2005 ont rejoint « Fateh El Islam ». Ensuite le groupe des « Treize », arrêté avec leur chef Hassan Nabba en 2005 et qui est accusé d’avoir monté un réseau d’exfiltration de combattants vers l’Irak. Certains de ses membres courent toujours. Enfin, « Fateh El Islam » sur lequel en définitif on sait peu de chose sauf que, ses combattants qui ont échappé à l’encerclement de Naher El Bared, sont aujourd’hui réfugiés dans des camps palestiniens sous la protection de « Jund-El-Cham » et « Osbat-El-Ansar ». C’est justement ces deux organisations liées ouvertement à Al-Qaïda qui méritent le plus d’attention, car c’est à eux que pourrait s’adresser Ayman Al Zawahiri s’il confirmait son intention d’intervenir au Liban. D’abord à cause de leur affiliation et deuxièmement vu la géographie du Liban et l’exigüité de son territoire, il est difficile à des groupes de terroristes de s’entraîner et de monter des bases sans être repéré. Les camps palestiniens restent leur meilleur refuge. Ils l’ont compris et s’y barricadent. Le loup dans la bergerie a-t-il décidé de passer aux actes ? Les attentats mentionnés plus haut, en sont-ils le prélude ? Al Hayat dans sa livraison du 2 octobre rapporte que le président Assad aurait demandé au président Sleiman lors de sa visite à Damas, d’instaurer une coopération entre les deux pays pour contrer la menace terroriste qui pèse sur les deux pays. Le 4 octobre, le même journal citant une source diplomatique française au Liban, confirme cette menace. Le 16 octobre, le directeur du renseignement libanais rend une visite à son homologue syrien. Le 17 le journal Al Safir retranscrit les propos d’un enquêteur libanais qui divulgue que l’un des membres de la cellule tripolitaine arrêté, aurait effectué à partir de son portable des appels en Syrie, à la veille de l’attentat de Damas du 27 septembre. Tout cela est au conditionnel. Est-ce de l’intox orchestré par Damas, pour couvrir ses intentions belliqueuses à l’égard du Liban ? Le loup serait-il un agneau déguisé ? L’on en saura plus au prochain attentat.

 

 

1-“ Iranien strategy in irak “, Combating Terorism Center At West Point, 11 octobre 2008

2- “Afghanistan, Pakistan, l’irruption des néotalibans, le Monde Diplomatique, Octobre 2008.

3- Courier International no 931.

4- À ce sujet lire les enquêtes de « Shark El Awsat » du 20 octobre 2008 et du « New York Times» du 

    24 du même mois.

5- Dans une interview au journal « Le Monde » le 24 octobre 2008.

6- The New Yorker, 2 juin 2008.

7- Al Hayat, 1er octobre 2008.

8- Courier International no 936.

9- Yediot Aharnot, 2 octobre 2008.

10- Al Safir, 21 octobre 2008.

 

Amine Issa

L'Orient - Le Jour 

31/10/08

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