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citoyen libanais
3 mars 2009

Cabinet d'union nationale, une utopie dangereuse.

Quelque soit la position des deux camps sur l'utilité d'un cabinet d'union nationale, qu'ils en soient convaincus ou contraints, cela ne change rien à la réalité de cette recherche désespérée de la quadrature du cercle. Pourquoi ce cabinet ne peut pas fonctionner et comment il serait nuisible? Ces partisans avancent que le pays ne peut être gouverné que par l'entente et la concertation et qu'un cabinet d'union nationale empêcherait la majorité issue des élections de prendre des décisions unilatérales en faveur d'une communauté ou d'un camp politique. Certes, nous sommes un pays pluricommunautaire et les partis politiques principaux recoupent les différentes confessions au lieu de représenter des programmes. Mais l'harmonie au sein de la nation ne doit signifier la paralysie de l'exécutif et son irresponsabilité. Paralysie, car au vu de l'antagonisme des parties en présence, toute décision si mineure soit-elle fera l'objet de débats interminables, les grandes décisions seront envoyées en commission pour les enterrer et quand il faudra trancher, ce sera au prix de marchandages et de compromis qui videront cette décision de toute substance. Je donne l'exemple de la privatisation de services étatiques. L'électricité et les télécommunications. Entre les partisans du tout Etat et ceux de la dérégulation du marché, le débat entamé n'aboutit pas et s’il a des chances de le faire, la montagne accouchera d'une souris, un projet hybride, impraticable en plus de l'inévitable partage du gâteau qui ne manquera pas à la fête (voir la semi-privatisation du téléphone cellulaire). Entre-temps, l'EDL ploie sous les dettes, grève le budget de l'Etat de plus d'un milliard de dollars par an et les ministres successifs à l'énergie n'ont pu constater que leurs incapacités. Plus grave encore, est l'irresponsabilité du gouvernement et la transformation du parlement en chambre d'enregistrement. Si une décision devait être prise au nom d'un cabinet d'union nationale et qu'elle s'avérait néfaste, qui en porterait la responsabilité et comment appliquer une sanction ? Puisque tout le monde est responsable, vu que le cabinet représente la quasi-majorité des partis et personnalités présents au parlement donc paradoxalement personne ne l'est, car il ne se trouvera personne pour le sanctionner. Vu la discipline de fer qu'impose les blocs parlementaires à leurs députés, lequel d'entre-eux critiquera t-il une décision prise par son parti présent au gouvernement? Aucun. Quel député osera t-il s'opposer à un décret-loi promulgué par le gouvernement ou votera contre une loi proposée par celui-ci ? Aucun. Et si par extraordinaire un ou quelques députés venaient à s'opposer au gouvernement, auraient-ils le poids de l'actuelle opposition, nombreuse et influente qu'elle est, si elle se résignait à ne pas participer au gouvernement ?


Au sein du gouvernement fut-il de la majorité, la collégialité du pouvoir en son sein, puisque la constitution stipule que le gouvernement réuni jouit des prérogatives exécutives, n'est-il pas une garantie contre le discrétionnaire ? Imagine t-on un ministre chiite même de la majorité, contresigné un décret, ce qui est impératif pour que celui-ci soit exécutoire, si ce décret lèse sa communauté ? Même au temps de la prépondérance des pouvoirs présidentiels avant l'accord de Taëf, le chef de l'Etat dut se rétracter face à l'opposition de son premier ministre qu'il avait pourtant lui-même désigné, quand  celui-ci jugeait une décision contraire aux intérêts de sa communauté (crise de 1969). Pour gouverner, il faut faire des choix économiques, sociaux et politiques et être libre de les assumer dans le respect des lois. Or, sur les deux premiers points, les composantes de la majorité et de l'opposition dans leur camp respectif ne sont pas tout le temps du même avis. Sur les privatisations par exemple, le PSP qui assure qu'il restera l'allié du Courant du Futur et que ses ministres feront partie de ceux de la majorité, les deux formations sont en désaccord. Il en est de même du Hezbollah et le CPL. De plus, il existe deux formes de contre-pouvoir pour contrôler le gouvernement sur sa politique. D'abord, le vote des citoyens qui peut renverser une majorité jugée défaillante et le gouvernement issu des urnes peut annuler des lois votées par son prédécesseur si il le juge nécessaire (les nationalisations en France effectuées sous la gauche, décision qu'on se plairait a appelé au Liban "souveraine" ont été annulées par la droite). Mais plus encore et dans l'immédiateté, puisque l'opposition craint que le gouvernement prenne des décisions arbitraires, il existe le Conseil Constitutionnel comme appel et la constitution comme garde-fou. Enfin et d'un commun accord, les dirigeants libanais ont innové en instaurant "le dialogue national" sous l'arbitrage du Président de la République, pour justement débattre des questions essentielles à l'identité de la République, pour que ces interrogations ne soient pas à la merci de l'urgence des décisions prises en conseil des ministres.  Si ces trois recours ne suffisent pas, alors à quoi servent-ils? Évitons dorénavant les élections coûteuses et les institutions constitutionnelles, désignons une assemblée de tribus et cessons de parler d'une république parlementaire. À cet excès, d'aucun avancerons l'expérience d'autres pays qui ont connu des gouvernements rassemblant des partis opposés qui représentent la presque totalité des députés du parlement. Le modèle le plus cité est celui de l'Allemagne, qui a connu plus d'une large coalition de partis politiques adverses dans un même gouvernement. Si les deux pays sont des républiques parlementaires et fédérales (le Liban sans oser le dire n'est-il pas devenu une fédération de confession dans la pratique politique ?). La comparaison s'arrête là. Le système électoral en Allemagne est à la proportionnelle, ce qui empêche l'émergence d'une majorité claire comme c'est le cas au Liban. La CDU/CSU de droite et le SPD de gauche ont obtenu respectivement 226 et 222 sièges aux législatives de 2005 et au gouvernement, ils occupent le même nombre de sièges chacun, soit huit. Ce qui a surtout incité les deux partis à s'allier c'est qu'en définitive leurs différents sont moindres que ceux qui les opposent à leurs alliés naturels. Le SPD préfère gouverner avec la droite plutôt que de se laisser déborder sur sa gauche et être l'otage du PDS (plus à gauche, 54 sièges) et du B90 (les verts, 51 sièges). Rien de tel au Liban où le système électoral est à la majorité simple, où il existe une majorité claire que tout oppose politiquement à la minorité. Enfin, en Allemagne le pouvoir de l'exécutif est effectivement entre les mains du Chancelier, alors qu'au Liban c'est le gouvernement qui en est le détenteur. Malheureusement, le seul rapprochement probant est avec l'actuel  gouvernement israélien. Il  regroupe la droite laïque, la gauche, les ultranationalistes et les ultras orthodoxes tant orientaux qu'occidentaux. Le résultat est une cacophonie généralisée où le premier ministre consacre la moitié de ses déclarations à désavouer ses ministres (dont le vice-premier ministre et membre du Likoud!), où des lois proposées par son parti sont contrées au parlement par des membres de sa coalition (sur le mariage civil). Le vote du budget fut menacé par le boycott du Shass, pourtant membre du gouvernement. Sur la question des colonies, quand le premier ministre propose leur gel, son ministre des affaires stratégiques se précipite chez les colons pour leur apporter son soutien et les travaillistes menacent de quitter le gouvernement si les colonies illégales ne sont pas démantelées. La liste est très longue et édifiante. Il est inutile d'en faire autant, la titularisation ou pas du gendre du Général ne relève pas de la raison d'Etat, ce n'est qu’un canular de mauvais goût. Comme je le disais plus haut, nos institutions dussent-elles être réformées, restent opérantes. Que ceux qui ont votés, le disent. Que ceux qui ont été élus se décident enfin d'exister par eux-mêmes. Qu'ils participent ne serait-ce qu'une fois à l'histoire, d'autres avant eux l'ont fait alors que les frontières étaient aussi poreuses, les "Frères" et "Ennemis" de toutes langues et horizons aussi entreprenants. Il n'y aura pas de miracle.

Amine Issa

L'Orient - Le Jour

03/03/2009

 

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