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citoyen libanais
20 août 2010

Droit à minima

Le Parlement libanais a accordé aux réfugiés palestiniens «le droit de travailler». Tout le monde s’en félicite. Personne ne semble se rendre compte du scandale que représentait jusque-là cette interdiction. Les promoteurs du projet auront beau se gargariser de leurs révoltes face à cette injustice qui dure depuis 1948, il serait de bonne guerre de leur demander pourquoi ils n’ont pas ferraillé avec la même pugnacité depuis 62 ans. Certes, il y avait les appréhensions des chrétiens et des chiites. Ceux-là craignaient que si les Palestiniens s’implantaient au Liban, le droit au travail en étant le prélude, l’équilibre démographique et donc politique, puisqu’il en est ainsi au Liban, pencherait en faveur des sunnites. Il y avait également l’instrumentalisation de la misère des camps par les dirigeants de l’OLP, qui, eux, habitaient le quartier de Verdun. C’est là qu’en 1973 un commando israélien est venu les assassiner et repartit sans être inquiété. Il aurait été plus difficile aux soldats israéliens de débusquer les dirigeants du Fateh dans le lacis des camps. Mais bon, au Moyen-Orient, on ne change pas les bonnes habitudes, au peuple les bidonvilles et aux dirigeants les palais. Toujours est-il qu’empêcher les Palestiniens de travailler au Liban n’a servi à rien. Incapable de retourner chez eux à cause de l’entêtement israélien et de l’incapacité des Arabes à changer le cours de l’histoire, ils sont toujours au Liban et leur nombre n’a cessé d’augmenter. De plus, un permis de travail ne signifie pas des droits politiques, du moment que les Libanais ne veulent pas les leur accorder. Et quand l’OLP a prétendu contrôler le Liban, qu’il ait existé ou pas un plan américain pour leur donner une patrie de substitution, il s’est trouvé suffisamment de Libanais pour s’y opposer, les armes à la main.

Cette autorisation de travailler, qui fait s’encenser les parlementaires libanais pour leur magnanimité, n’est par ailleurs qu’une goutte dans un océan. Les emplois qui seront autorisés aux Palestiniens ne sont pas de nature à améliorer leur sort. Ouvriers du bâtiment, en usine, balayeurs des rues, voilà ce qu’on leur réserve. Ces métiers sont déjà fortement occupés par des ressortissants égyptiens, syriens et tout ce que l’Asie compte comme damnés. Il faut parier que face à ce nouvel apport de demandes de travail, les salaires vont encore baisser. Les Palestiniens passeront d’une condition de pénurie à celle de subsistance, grande avancée en effet. Et puis, promettre des indemnités de fin de service à un individu qui ne sait pas de quoi sera fait son prochain repas, c’est comme promettre l’éternité à un athée.

Entendons-nous, si la solution adoptée n’est qu’un palliatif, la responsabilité n’en incombe pas aux Libanais. D’abord, ils sont ceux qui ont payé et continuent de payer, le plus grand tribut de sang, proportionnellement à la taille de leur pays, pour la cause palestinienne. Deuxièmement, le Liban ne possède pas les ressources financières qui lui permettraient d’améliorer les conditions de vie, c’est-à-dire de santé, d’éducation et d’habitat des réfugiés palestiniens. Si la cause palestinienne reste «la cause centrale du monde arabe», c’est à celui-ci de réagir. En envoyant des fonds, en construisant des écoles, en finançant des habitations salubres, en proposant des postes aux universitaires palestiniens et j’en passe. Mais depuis les accords d’Oslo, depuis que les Palestiniens, le Hamas comme le Fateh, ont décidé de mener leur combat chacun à sa façon et sur le territoire historique de la Palestine, sans se référer systématiquement aux «frères» arabes, ils ne sont plus une priorité. Après la défaite arabe de 1967 et la bataille d’al-Karama, où les Palestiniens avaient racheté la honte arabe par une opération audacieuse en territoire israélien, Abou Ammar était reçu comme un héros et les fonds pleuvaient sur l’OLP. Ce qu’elle en faisait est une autre question. Après l’agression de 2006, quand le Hezbollah a tenu tête, seul, à l’armée israélienne, évita au prix de la mort de 1300 Libanais, tant aux pays de «la confrontation» que de la «modération», de s’engager contre Israël, les milliards ont afflué au Liban. Mais pour soulager gratuitement 400000 Palestiniens apartheids et indigents, dont la direction a l’outrecuidance de se soustraire à l’autorité des «frères» arabes, il faudra imaginer autre chose. Peut-être que le Parlement libanais aurait dû accompagner le vote de la loi au profit du travail des Palestiniens par une offensive diplomatique tout azimut pour lever des fonds auprès de nos «frères». Mais il y’a des villégiatures qu’on ne dérange pas.

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

20/08/2010

 

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