Elections américaines et illusion israélienne
Elections américaines et illusion israélienne
Le président Barack Obama a, sans l’ombre d’un doute, reçu une raclée magistrale. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale un parti à la Chambre des représentants n’avait subi une telle hémorragie d’élus. Pourtant, ce n’est pas une surprise. Une mauvaise communication, un plan de sauvetage des banques et une relance par un déficit budgétaire abyssal ne pouvaient que hérisser l’Amérique profonde, réfractaire à «trop d’Etat». Son initiative la plus populaire est la réforme de l’assurance santé. Si elle lui a assuré les voix des trente-cinq millions d’Américains non couverts, elle ne lui a certainement pas attiré la sympathie de ceux qui l’étaient déjà. Ils y voyaient également une immixtion inadmissible dans leurs affaires privées. Mais ce sont surtout les superpuissantes compagnies d’assurance que cette réforme a indisposées. Ces compagnies ainsi que les banques qu’Obama a décidé de mieux contrôler pour éviter une nouvelle crise, après les avoir sauvées, ces deux chevaliers noirs de la finance américaine se sont ligués contre lui et ont juré sa perte. La campagne électorale a coûté quatre milliards de dollars, un record. Il va sans dire que les Républicains sont ceux qui ont le plus profité de cet argent.
Au lendemain de la victoire républicaine, les journaux israéliens de droite, claironnaient. Enfin, l’Amérique renouerait avec sa politique traditionnelle de soutien incontestable à Israël. Barack Obama n’avait-il pas eu l’outrecuidance de se joindre aux 189 Etats cosignataires du traité de non-prolifération nucléaire, pour demander des éclaircissements sur le programme atomique israélien? N’avait-il pas rejoint le traité du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu qui, plus d’une fois, a qualifié les agissements d’Israël de criminels? N’a-t-il pas conditionné son veto à une reconnaissance de l’Onu d’un Etat palestinien par le gel des colonies? Chantage impensable sous l’ère Bush. La liste est certes plus longue. D’ailleurs, Netanyahu, à la veille des élections, avait signifié son mécontentement de la politique d’Obama en déléguant un député du Likoud à la réunion d’une Tea Party israélienne, dont le seul slogan était la chute du locataire de la Maison-Blanche. Chose faite, à la Chambre des représentants.
Mais, au-delà, faut-il vraiment s’attendre à un réel changement de la politique américaine à l’égard du Moyen-Orient. Non. D’abord, il serait faux de croire que les élus républicains sont plus soucieux que les sortants démocrates des intérêts d’Israël. Ensuite, sur le plan institutionnel, si les Républicains ont gagné à la chambre basse, le Sénat, qui peut tout bloquer, est encore aux mains des démocrates. Contrairement au système parlementaire, le président américain a un droit de veto sur les décisions de la Chambre. Cela se traduit par ce que les Américains appellent le «Checks and Balances». En pratique, pour chaque loi que les Républicains veulent faire adopter une loi, ils doivent, pour éviter le veto du président, céder sur autre chose. Ce jeu de renvoi d’ascenseur oblige les deux partis à établir leurs priorités. Or, quelles sont celles des Républicains et celles de leur poil à gratter, les candidats des Tea Party, ces ultraconservateurs aux discours simplistes? L’économie et rien que l’économie. Si l’on dissèque leurs discours pendant la campagne, il faut chercher à la loupe les références à la politique étrangère et, quand celle-ci est évoquée, c’est sur le danger que représente la Chine économiquement! Si donc le président aura des difficultés à poursuivre ses réformes économiques, il faudra bien qu’il redore son blason, pour espérer se faire réélire en 2012 et reprendre le contrôle de la Chambre en 2014. Une victoire diplomatique sur la question du Tibet a de grandes chances de passer en dernière page du New York Times. Mais la résolution du conflit israélo-palestinien, et ses extensions moyen-orientales, où tant de soldats américains sont engagés, où tant de milliards sont dépensés, où tant d’Américains sont impliqués émotionnellement, sont certainement une voie royale pour un second mandat. Calcul bassement politique certes, mais aussi conviction, depuis le rapport Baker-Hamilton, que ce conflit qui dure depuis 60 ans porte préjudice désormais aux Etats-Unis. Avigdor Liberman, devrait garder sa bouteille de champagne pour une autre occasion.
Amine Issa
L’Hébdo Magazine
05/11/10