Lettre ouverte à Charbel Nahas
Monsieur Nahas, je m’adresse à vous parce que vous êtes depuis deux semaines dans l’œil du cyclone. Particulièrement depuis votre prise de bec avec le Premier ministre, lors de la dernière (est-ce la dernière?) réunion du Conseil des ministres. Vous l’avertissiez qu’il subissait des pressions de la part d’Israël. Je veux vous croire sur parole et ne donner aucun crédit aux autres versions qui prétendent que vous l’auriez accusé de servir les intérêts d’Israël. Mais qu’aviez-vous besoin de descendre dans cette arène? Vous savez pourtant qu’invoquer le nom d’Israël à tort et à travers est la méthode de ceux qui n’ont rien à dire et ne font rien. Plus encore, et dans le cas du précis du TSL, qu’Israël veuille en faire usage pour déstabiliser le Liban est une évidence qui n’a pas besoin d’être rappelée incessamment. Qu’on se le dise une fois pour toutes, tant que Jérusalem ne sera pas la capitale des deux Etats palestinien et israélien, l’Etat hébreu ne nous laissera jamais en paix.
Depuis 1943, depuis que le Liban a accueilli sa première vague de réfugiés palestiniens, Israël n’a eu de cesse de tenter de nous déstabiliser. Si le Hezbollah est aujourd’hui dans sa ligne de mire, l’OLP l’a été avant lui et les chrétiens aussi, qui refusent l’implantation des réfugiés. Les Arabes ayant, depuis longtemps, renoncé aux armes et à exposer leurs territoires, nous restons le dernier champ de bataille. Et qu’Israël s’inquiète, si le Hezbollah venait à disparaître, d’autres Libanais surgiront pour lui interdire notre territoire.
Le Liban n’est pas le seul pays dans cette situation. Je l’écrivais dans un article précédent, la Corée du Sud est en guerre depuis 1953. Les événements de cette semaine confortent mon analyse. Malgré les menaces atomiques et les agressions de son voisin Pyongyang, Séoul reste la capitale d’un Etat démocratique et développé.
Alors monsieur Nahas, évitez les querelles stériles, laissez ces pugilats aux aboyeurs de services (je regrette pour ce terme, mais je n’en trouve pas de plus juste) et consacrez-vous à faire ce à quoi vous êtes destiné. Monsieur Nahas, vous et quelques-uns de vos collègues, à qui s’adresse également cette lettre, faites tache dans ce gouvernement. Vous êtes là, armé de vos compétences et de votre virginité politique. Vous ne devez rien aux seigneurs de la guerre et aux marchands du temple qui vous côtoient. Ce sont eux qui ont besoin de votre caution, celle de vos aptitudes, de votre trajectoire. Sinon, croyez-moi, ils se seraient contentés de leurs laquais à votre place. Vous faites partie de cette instance invraisemblable qui se nomme «le cabinet d’union nationale» où tout le monde a le pouvoir, mais personne ne gouverne. Brisez le cercle. Vous êtes à la tête d’un ministère essentiel, celui des Télécommunications, qui sont l’avenir du monde. Concentrez-vous à sa gestion. Laissez les espions à d’autres et connectez-nous au monde. Que vos coups de gueule soient consacrés à ceux qui vous empêchent de progresser, dénoncez-les sans concessions. Gouvernez monsieur Nahas.
Amine Issa
L’Hébdo Magazine
26/11/2010