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citoyen libanais
17 décembre 2010

Lassitude

«L’aide et l’affection de l’Amérique envers Israël sont une drogue qui lui donne l’impression de pouvoir défier les lois de l’histoire, de la géographie et de la démographie». C’est par ces mots que Thomas Friedman, chroniqueur juif vedette du New York Times, s’adresse à l’Etat hébreu. Cette critique d’Israël n’est pas une première. Mais le journaliste n’a jamais été aussi loin, surtout dans les colonnes d’un quotidien considéré comme le baromètre de l’intelligentsia américaine. Il se demande si tous les milliards consacrés à Israël ne seraient pas plus utiles pour éviter les coupes budgétaires dans le système éducatif en Amérique. Même son de cloche à Téhéran. Les opposants au régime ont ouvertement protesté dans la rue contre les aides accordées au Liban et à l’Irak, alors que le gouvernement d’Ahmadinejad s’apprête à supprimer les subventions à l’essence et aux produits de première nécessité.

Au Liban, la question du TSL a suspendu le pays dans le temps. Question existentielle pour le Hezbollah, organisme sans tâche pour les autres, la victoire d’un camp signifierait la mort de l’autre, et rien que cela. Alors, pour se sortir de ce mauvais pas, il faut des magiciens et des bonnes fées. Le dernier enchanteur en date est le président du Parlement. Au sommet de son inventivité, il a trouvé l’esquive juridique pour calmer le jeu. Mais le lapin sorti de son chapeau n’aura pas couru très loin. Les bonnes fées sont, vous l’avez sans doute deviné, cette multiplication de monogrammes extensibles au besoin. Du SS au SSI au SSIE au SSIET: la Syrie, l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Egypte, la Turquie, dans l’ordre et le désordre, tous penchés à notre chevet pour nous éviter de nous étriper, alors que déjà presque plus rien ne fonctionne au Liban.

Retour en Israël. Friedman poursuit. Si les Israéliens refusent de s’entendre avec les Palestiniens, qu’ils ne comptent plus sur nous pour jouer les médiateurs. Le gouvernement de Netanyahu est empêtré dans des marchandages entre le Premier ministre, le Shass et Avigdor Lieberman. La conversion des soldats par le rabbinat orthodoxe, demandé par le Shass, contre l’annulation, exigée par Netanyahu d’une enquête sur les négligences lors des incendies du Mont Carmel. Le vote d’un budget pour les écoles religieuses, réclamé par le Shass, contre le report de l’enquête sur les malversations du laïc Liberman. La liste est longue. Voilà une recette que nous autres, Libanais, savons exporter avec brio. C’est encore heureux que nous ne demandions pas des droits d’auteurs. Entre-temps, le processus de paix est bloqué par Tel-Aviv, les Palestiniens s’impatientent et l’Amérique peut se lasser.

Retour au Liban. La sollicitude des bonnes fées n’est certes pas innocente, ni désintéressée. Et pour tout compliquer, les pompiers sont souvent les pyromanes. Mais jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de feu. Sauf que, si nous persistons dans notre désinvolture, ignorant la gestion minimum de notre pays, le laissant se désintégrer parce que plus personne ne gouverne, et qu’en plus nous alimentons la polémique et la haine de l’autre, l’incendie peut se déclarer. Les bonnes fées, comme l’Amérique, pourraient alors elles aussi, excédées, renoncer à toute médiation. Israël en guerre contre les Palestiniens et le Liban contre lui-même n’est pas un inédit. Les incendiaires qui nous observent auront, eux, tout empoché. Ceux qui veulent la paix, il ne faut pas se faire d’illusions, se résigneront, dégoutés par notre irresponsabilité, par notre entêtement à nous immoler. Ils sauront d’ailleurs toujours rebondir sur nos ruines. La guerre n’est pas la fin du monde, c’est une réalité que les grandes chancelleries, surtout quand elle ne se déroule pas chez eux, savent gérer froidement dans leurs intérêts. Que ceux qui au Liban se croient encore le nombril du monde, comprennent que nos bonnes fées sauront borner les flammes dans notre périmètre, établir des coupe-feux pour se prémunir de notre rage destructrice et verseront quelques larmes qui n’éteindront même pas un feu de paille.

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

17/12/2010

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