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citoyen libanais
26 janvier 2011

Et maintenant

Qu’une majorité parlementaire perde ce statut parce qu’un des groupes de députés qui la composaient a changé de camp, est une chose commune dans les démocraties. Mais les électeurs de ceux qui ont déserté le camp du 14 mars, ont-ils mandaté leurs représentants en ce sens? Se sont-ils découverts soudain plus d’affinités avec le Hezbollah et le CPL? C’est douteux. Dans un pays où les leaders ont le dernier mot et connaissent notre intérêt mieux que nous, nous allons croire les arguments avancés par Walid Joumblatt. L’aube effrayante des chemises noires n’y étant pour rien, il change librement de camp pour sauver la paix civile. Celle-ci est menacée par la publication d’un acte d’accusation qui désignerait les chiites comme assassins d’un Premier ministre sunnite. En quoi le fait que Saad Hariri ne soit plus au Sérail, et que le nouveau gouvernement renonce à collaborer avec le TSL, apaisera-t-il la colère des sunnites? On a vu à Tripoli des députés, des responsables partisans et même un journaliste tenant des propos sectaires. C’est un mauvais présage. 

Saad Hariri aura, en définitive, commis deux erreurs qui lui ont coûté son fauteuil. La première, c’est de n’avoir pas entamé, depuis que le 14 mars est au pouvoir, le démantèlement de l’Etat corrompu dont il a hérité. Quelles que soient les raisons qui l’en ont empêché, l’obstruction permanente de l’opposition ou le fait de n’en avoir pas estimé l’urgence, cela a rendu son renversement plus facile. La seconde erreur, comme cela semble se confirmer, est d’avoir accepté de céder sur le tribunal. Quand on fait une concession de cette taille, toutes les autres deviennent possibles, comme celle de céder le pouvoir. Le 14 mars a semblé oublier que ce qui l’a amené au pouvoir est justement la volonté des Libanais de refuser l’impunité aux assassins. Saad Hariri, en annonçant sa conviction de l’innocence du Hezbollah, comme il l’a fait pour la Syrie, tout en assurant les Libanais qu’il exigerait une enquête sans tache pour confondre les meurtriers, aurait asséché l’eau du moulin du Hezbollah. Encore une fois le jeu des nations était prépondérant, mais si l’on renonce à la moindre marge de manœuvre, il est impossible de gouverner.

Aujourd’hui, Najib Mikati est Premier ministre. Il n’est l’héritier de personne. Il n’a pas de passif. Il a obtenu l’aval de la France et des pays arabes. Même les Etats-Unis le reconnaissent. Son passage à la troisième magistrature, où il avait organisé les élections en renonçant à être candidat lui-même, est à son crédit. Mais il ne gouvernera pas seul, il devra composer avec le 8 mars. Quatre défis l’attendent. D’abord, l’amortissement de l’acte d’accusation et son dossier annexe celui des faux témoins. Il lui faudra beaucoup d’imagination. Deuxièmement, la définition de «la défense de la Résistance» qui est, comme il le dit, son seul engagement. C’est un concept dont l’élasticité n’est plus à démontrer. Cette notion, exprimée autrement dans d’autres pays, a fait du monde arabe une vaste prison. Troisièmement, Najib Mikati doit enclencher la mise en chantier de l’Etat de droit. Et, comme l’exige le CPL, la corruption et le clientélisme doivent être éradiqués. Il faut nettoyer les écuries d’Augias au karcher, rétablir les règles, sans tuer les chevaux. Gare à la chasse aux sorcières. Ce n’est pas un régime qui est fautif, mais tous ceux qui se sont succédé depuis l’indépendance. Etre sélectif est improductif et dangereux. Surtout que les nouveaux chevaliers blancs sont eux-mêmes en attelage avec les bénéficiaires actifs ou passifs de ce système et pratiquent, sans vergogne, le favoritisme familial qu’ils reprochent aux autres. Le quatrième défi est de délimiter le rôle du Liban dans le conflit israélo-arabe. Saura-t-il convaincre le Hezbollah qu’Israël est un délit et non pas un péché? Qu’il faut dissuader Israël de nous agresser en en faisant une cause nationale et non plus l’exclusivité d’une communauté? Que considérer Israël comme un péché sans rédemption, passible de mort, c’est programmer celle du Liban? Lourde tâche. Rien n’est impensable au Liban. Rappelez-vous le 25 mai 2000 la libération du Sud, souvenez-vous du 14 mars 2005 le printemps de Beyrouth.

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

28/01/2011

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