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citoyen libanais
1 juillet 2011

L’Amérique autrement

«Il est temps de se concentrer sur la construction de notre nation». C’est ce que disait Barack Obama, la semaine passée, au moment où il annonçait le retrait des premiers GI’s d’Afghanistan. Les contempteurs de l’Amérique y ont vu un constat d’échec et son désir de solder définitivement l’entreprise impériale des républicains. C’est la vérité, mais en partie seulement. Les équipées irakienne et afghane de George Bush ont englouti des milliards de dollars, tué des milliers de soldats et dégradé durablement l’image des Etats-Unis. La disparition des Taliban aura fait plaisir à l’Iran comme celle de Saddam Hussein et aussi à la Syrie et à Israël, mais pas vraiment à l’Amérique. Le «retour sur investissement» est catastrophique. Pourtant, croire à un désengagement désordonné des Etats-Unis au Moyen-Orient serait une erreur. Les données ont changé et ils s’y adaptent. La crise économique, un Congrès hostile aux engagements extérieurs et le monde arabe en ébullition, nécessitent une réflexion différente. Ayant compris qu’elle ne peut plus s’opposer à la déferlante des soulèvements, l’Amérique veut l’accompagner. Si les raisons des révoltes sont semblables, leur déroulement est varié. Les acteurs sont désormais multiples et tout cela demande beaucoup d’imagination et de patience.

La Tunisie et l’Egypte se rétablissent sans trop de remous, mais l’Amérique reste vigilante. Elle soutient la transition en poussant les pays du Golfe et le FMI à assurer les fins de mois difficiles. Si elle ne peut plus inonder l’Egypte de milliards de dollars pris aux contribuables, elle multiplie les incitations au secteur privé à y investir. L’image la plus forte restera celle de John Kerry et John MacCain sonnant la cloche de la Bourse du Caire. En Libye, l’armée ne s’est pas ralliée aux insurgés comme un seul homme. Interdit par le Congrès d’engager des équipages, Barack Obama prête ses porte-avions, les avions et les pilotes, eux, seront européens. Kadhafi est toujours là, mais il agonise les insurgés qui, piétinés il y a un mois, se battent aujourd’hui à 30 kilomètres de Tripoli. Au Yémen, l’entêtement du président Saleh à s’accrocher au pouvoir a créé un vide qu’al-Qaïda s’empresse de combler au sud du pays. L’Amérique ne veut ni intervenir, ni laisser les troupes saoudiennes le faire, échaudée par l’expédition du royaume à Bahreïn et par la lamentable prestation des troupes saoudiennes contre les houthites, en 2010. On est dans l’impasse. C’est ce moment que Sadek el-Ahmar, le chef de la tribu des Hached, la mieux armée, a choisi pour prendre l’initiative. Après quelques jours de combat, le président, blessé, se réfugie en Arabie saoudite. Sadek el-Ahmar a-t-il agi de son propre chef? Quelques jours plus tard, le général Ali Mohsen Saleh, qui avait fait défection avec une partie de l’armée et était considéré comme acquis aux islamistes, donne la réponse; il s’engage à combattre les terroristes, main dans la main avec les Etats-Unis. Enfin, la Syrie. Depuis le début des contestations, la Maison-Blanche condamne verbalement la répression, sans plus. Le président Obama laisse à la Turquie le soin de surveiller Damas. Assad ne cède rien sur le fond. S’il lève l’état d’urgence, il continue d’arrêter les manifestants. Mais le régime du Baas a, pendant quarante ans, entretenu l’animosité de tous ses voisins et réprimé sans pitié toute contestation interne. En même temps que la contestation pacifique, toutes les haines accumulées surgissent. Manifestations, insurrections armées et répression violente se succèdent, se mélangent et s’amplifient. La Syrie est au bord de l’explosion. Pour l’Amérique, le chaos constructif de l’ère Bush est révolu. Un démembrement de la Syrie coincerait les alaouites dans leurs montagnes, entourés d’ennemis, à la merci d’un hypothétique protecteur. Tout le monde a soudain besoin de négocier. L’ambassadeur Ford reprend langue avec les autorités. Une partie de l’opposition, que le chaos effraie, est autorisée à se réunir à Damas, et accepte de le faire. Elle veut y croire, «l’espérance passe en nous comme à travers un crible», disait Bernanos, on ne peut le lui reprocher. L’initiative est saluée tant par l’Amérique que par la France. Reste à savoir comment Assad conduira la transition. S’il souhaite garder en partie le pouvoir et sauver la Syrie, le régime doit radicalement changer.  Les faux-semblants et la répression ne sont plus une option.

L’Amérique ne se retire pas, elle s’engage autrement, mais elle doit savoir qu’accompagner les révoltes arabes ne lui laissera aucun crédit durable tant que l’Etat palestinien n’aura pas vu le jour.

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

01/07/2011

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