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citoyen libanais
8 juillet 2011

Le chemin étroit

«La justice est toujours pesante mais Dieu allège le fardeau de ceux qui, sollicitant la récompense dans l’autre monde, se résignent à en porter la charge». L’imam Ali

 

En accusant le TSL d’être un instrument aux mains des Occidentaux et de leurs alliés, le secrétaire général du Hezbollah revient, sans cesse, sur l’effet recherché par ceux-là: ternir l’image de la Résistance. C’est ce qu’il redoute le plus. Sayyed Nasrallah a, depuis toujours, considéré, tant par idéologie que par sens tactique, que tout mouvement de résistance face à ses ennemis peut gagner une bataille militaire, politique, mais perdre celle de l’opinion, et cela peut lui être fatal. Les exemples de la Résistance palestinienne, et ceux de la Résistance libanaise pendant la guerre civile, le confirment. Tant l’Olp (Organisation de libération de la Palestine) que les Forces libanaises se sont rendues détestables, se sont isolées de leur milieu et se sont retrouvées totalement nues au moment des épreuves qui les ont emportées. Sur le plan idéologique, le Hezbollah a toujours insisté sur la pureté de sa cause, le combat contre Israël, ce qui n’était pas difficile à établir, mais aussi sur celle de ses dirigeants et de ses militants. D’où l’embarras du parti quand on découvre que deux de ses membres sont des espions recrutés par la CIA, ou que certains de ses dirigeants ont confié leur fortune aux mains d’un usurier, pratique condamnée par le dogme. Plus encore, la détestable impression de mépris qui se dégage des propos du secrétaire général, quand il qualifie la journée du 15 mai 2008 de «glorieuse». Les autres Libanais n’y avaient vu qu’humiliation. Enfin, sayyed Nasrallah, avant même de connaître la teneur de l’acte d’accusation adressé à quatre membres du Hezbollah, exclut d’office qu’ils puissent être impliqués, manipulés, ou au service d’une autre partie qui aurait décidé et organisé l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri. Il confirme par là le sentiment de supériorité qu’il s’accorde, ainsi qu’à son parti, par rapport au reste des Libanais. A trop vouloir se rapprocher de Dieu, on risque la confusion des genres. Seuls les douze imams et le prophète sont infaillibles. S’approprier des attributs qui ne lui appartenaient pas a fait de Lucifer, roi des anges, le démon.

Sayyed Nasrallah a-t-il raison quand il qualifie le TSL d’instrument politique au service de ses ennemis? Les documents qu’il a présentés et les égarements de la première commission d’enquête, le fait que l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri soit un acte politique et que donc ce tribunal puisse servir d’instrument de revanche, donnent du poids à ses allégations. Mais au-delà de l’instrumentalisation d’un procès, reste le principe de justice. Qu’elle soit divine ou celle des hommes, elle a toujours été pour les sociétés un horizon indépassable. Elles l’ont voulue, parce qu’elle est garante de paix civile. Ceux qui s’intéressent au particularisme chiite savent que la vénération des imams et la recherche prioritaire de la justice distinguent cette communauté. Le Hezbollah a le droit de se défendre face à ce qu’il considère une offensive pernicieuse. Mais il ne peut ôter au tribunal tout crédit tant qu’on ignore les résultats de l’enquête, quels sont les éléments de preuves retenus et, surtout, qui est le commanditaire de l’assassinat. Le Hezbollah peut confondre le TSL mais ne peut pas l’ignorer. Non pas parce qu’il existe indépendamment de sa volonté, comme le dit sayyed Nasrallah, mais parce qu’il est une nécessité. L’essentiel n’est pas de livrer les quatre accusés, le TSL prévoit en tout cas leur jugement par contumace. Mais c’est à La Haye qu’il faudra les défendre et démontrer la partialité de cette cour. L’adage le dit «la justice triomphe», c’est donc un combat. On le mène en première ligne, on affronte l’ennemi sur son terrain et non à partir des tranchées. Le Hezbollah ne croit pas en cette justice. Il dit que le verdict est déjà écrit. Si c’est le cas, il sera sanctionné et devra trouver une parade. Mais s’il persiste à refuser d’admettre, ne serait-ce que le soupçon, que quatre de ses partisans peuvent être impliqués dans l’attentat de 2005, il sera dans tous les cas sanctionné et aura en plus perdu la bataille de l’opinion. Ce qui est plus grave.

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

08/07/2011

 

 

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