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citoyen libanais
25 novembre 2011

Alia el-Mehdi

 

Ce nom ne vous dit peut-être rien, pourtant, en Egypte, il dispute sa célébrité à la place Tahrir, de nouveau en pleine ébullition. Alia el- Mehdi est cette blogueuse égyptienne qui a publié sur son site sa photo nue, accompagnée d’un court texte par lequel elle déplore la soumission des femmes, la haine de leurs corps et leur propose de les brûler s’ils leur font autant honte. Son site a été visionné, le premier jour, par plus de 800000 personnes. Les commentaires étaient un mélange d’insultes et de félicitations. Des Egyptiennes libérales ont condamné l’excès de son geste, comme inutile pour revendiquer la liberté d’expression, et une association islamiste lui a déjà intenté un procès. La Fatwa la condamnant à mort ne saurait tarder, si ce n’est déjà fait, sans que je ne l’aie sue. La dénonciation de l’obscurantisme d’un certain islam par des femmes n’est pas un phénomène nouveau. Les militantes et écrivaines Taslima Nassren, Ayaan Hirsi Ali, Samia Sharif, Djemila Benhabib ont, tour à tour, dénoncé les agressions sexuelles, l’excision et la relégation des femmes au bas de l’échelle sociale. Elles l’ont fait avec courage et raison. Elles ont écrit des livres savants et participé à de grandes conférences à travers le monde. Elles, aussi, ont été menacées et se sont cachées. Deux d’entre elles ont reçu le prix Simone de Beauvoir. Leur impact, sur les sociétés musulmanes, est resté cependant très limité, vu la censure dont elles ont été victimes et, surtout, la complexité de leurs propos qui ne sont pas à la portée de la majorité des habitants de ces pays.

Ce qui caractérise le geste d’Alia el-Mehdi est sa brutalité autant que son innocence et le fait qu’elle se dise athée. Une jeune fille de vingt ans qui vit en Egypte ne peut que secouer les esprits lorsque, sans fausse pudeur, elle offre les images de son corps nu. C’est aussi un acte innocent, tant l’image est banale, loin de toute lascivité ou érotisme. Le fait qu’elle se présente athée a une plus grande signification. Car, ce qu’elle condamne, n’est pas seulement l’archaïsme musulman, mais celui de toutes les religions qui dénigrent la femme, qu’elles soient musulmane dogmatique, chrétienne fanatique ou juive orthodoxe, et qui voient en elle une créature diabolique qu’il faut perpétuellement surveiller et punir. Ces trois religions qui recouvrent l’ensemble du monde arabe, dans l’abus de leurs ultras, au nom de leurs interprétations des livres saints, n’ont à ce jour produit que guerres et sous-développement. Le fait qu’elle se déclare athée est également une condamnation des simples pratiquants et même des laïcs qui sont encore sous l’influence de traditions millénaires qui continuent à voir dans la femme un être inférieur. D’ailleurs, le mouvement du  6 avril qui, parmi d’autres, a mené la révolte au nom d’un Etat civil, s’est empressé de la critiquer pour ne pas heurter les bigots et les gardiens de la vertu.

Quel avenir pour cet acte courageux et sans précédent? Grand, très grand, si l’on croit qu’un jour les musulmans interpréteront l’esprit du Coran, qui est une révolution pour le droit des femmes, et ne se contenteront plus, par paresse et instrumentalisation politique, de n’en retenir que la lettre. Si l’on observe les acquis obtenus par les femmes en Tunisie et en Turquie, ce qu’elles ont accompli, il ne faut pas non plus baisser les bras. Il faut observer comment en Iran les femmes sont en première ligne de la contestation pour garder espoir. Rappelez-vous de Rosa Louise Mac Cauley Parks, cette noire américaine qui, un jour d’octobre 1954 en Alabama, aux Etats-Unis, avait refusé de céder sa place dans un autobus à un blanc. Le scandale qu’elle provoqua, et sa condamnation, enthousiasma un jeune pasteur noir de 26 ans, Martin Luther King, qui la défendit et devint le héros et le martyr de la lutte contre les lois racistes. En 1964, moins de dix ans après, le président Lyndon Johnson signait le «Civil Right Act», qui mettait fin à toute ségrégation entre race ou religion. L’acte d’Alia el-Mehdi est plus frappant que celui de celle qu’on nommera désormais simplement Rosa Park. Peut-être que cela accélèrera la venue d’un Martin Luther King et d’un Lyndon Johnson arabes.

 

Amine Issa

L'Hébdo Magazine 

25/11/11

 

 

 

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