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citoyen libanais
3 février 2012

Conservateurs, Israël, Hezbollah: même combat

Mitt Romney, candidat à la primaire républicaine, accuse les Palestiniens de ne pas être intéressés par un accord de paix et ne souhaiter que la disparition d’Israël. Newt Gringrich, son principal concurrent, dit carrément que le peuple palestinien n’existe pas, qu’il n’est qu’une vue de l’esprit. Travaillés par le lobby israélien, ils nous renvoient à l’avant-Oslo, à l’avant reconnaissance de l’OLP comme représentant légitime du peuple palestinien. En Israël, les soldates qui chantent à l’occasion des fêtes de l’armée sont boycottées par leurs collègues orthodoxes. Il existe désormais en Israël, des lignes d’autobus où les femmes sont reléguées à l’arrière du véhicule. Certaines femmes Harédims sont voilées de la tête aux pieds sans même une fente pour leurs yeux. Celles qui mettent le plus de couches d’habits au-dessus de leur corps impur sont les plus appréciées dans ces milieux. Israël, le pays qui connaît le plus haut taux de Start-up par habitant, sombre lentement dans l’obscurantisme du Moyen Âge.

Au Liban, après la libération de 2000, dont le Hezbollah est le principal artisan, ce dernier persiste à faire de la lutte contre Israël son premier objectif et donc, à son sens, celui du Liban. Si le passéisme des républicains et des orthodoxes juifs ne nous concerne que par ricochet, il n’en est pas de même de celui du Hezbollah. Ce qui met en perspective cette attitude anachronique est le changement à multiples facettes qui gronde dans le monde arabe depuis un an. Les islamistes au pouvoir pourraient laisser croire à une nouvelle période glacière. C’est sans compter avec deux phénomènes. D’abord, le discours des islamistes eux-mêmes, et particulièrement celui des Frères musulmans en Egypte. Ceux-là donnent clairement la priorité à la croissance économique, à l’égalité, à la santé, à l’habitat et à l’éducation de qualité pour tous. Ils ont relégué les préoccupations morales, qui pourraient effrayer, au second plan. La révolution arabe d’il y a soixante ans avait emprunté ses idéologies à l’Occident, tels le nationalisme et le socialisme, mais avait pratiqué un despotisme tout oriental. Cette fois, c’est l’islam vernaculaire qui occupe les postes au gouvernement, mais avance des préoccupations et des solutions universelles, qui tiennent compte de l’individu avant les utopies de l’Umma. Le second phénomène est à observer à l’aune de ce que dit le philosophe canadien Charles Taylor sur la démocratie: «La démocratie libérale est plus vivante quand il y a «demos», un peuple souverain qui prend le pouvoir». Cette phase est maintenant révolue, mais la place Tahrir vibre encore de millions de manifestants qui poursuivent le combat. N’est-ce pas la preuve que la «démocratie» n’est pas terminée? Le même phénomène ne se répète-t-il pas en Tunisie, en Libye et au Yémen? N’est-ce pas un avertissement aux islamistes, que la révolte peut reprendre à tout moment s’ils sont tentés de la museler par un carcan d’un autre âge?

Le Hezbollah doit comprendre, maintenant qu’Israël a été contraint de partir et que l’hypothèque syrienne est levée, que la défense du Liban est l’affaire de tous les Libanais, qu’une société résistante est, avant tout, une société qui fonctionne, et que le véritable combat est celui de l’édification de l’Etat de droit. Le Hezbollah doit savoir que ses armes sont un actif pour le Liban à condition qu’elles soient exploitées intelligemment. Qu’elles servent à équiper l’armée qui a  fait ses preuves à Nahr el-Bared. Que cet arsenal qui gêne l’Occident, comme le dit si bien sayyed Hassan Nasrallah, devrait être échangé contre l’effacement de notre dette, que la Finul soit en Israël et pas seulement au Liban. Que l’on troque ces armes contre un système de défense anti-aérienne. Ces armes pourraient être négociées pour la relocalisation de la majorité des réfugiés palestiniens dans d’autres pays arabes. Les Libanais de tous bords sont accrochés aux évènements de Syrie, les uns pour confirmer leur choix, les autres pour prendre une revanche. Le Hezbollah, qui a encore une certaine virginité dans la pratique du pouvoir, qui possède une capacité de mobilisation supérieure à l’ensemble des partis libanais, devrait se défaire d’un combat qui n’est plus une priorité, ni exclusivement le sien. Son arsenal fait peur aux Occidentaux certes, mais aux Libanais aussi. Il sera, si la crise syrienne s’envenime et perdure, un prétexte plus qu’un bouclier, contre les bombes des salafistes qui, eux, sont encore bloqués dans le passé. Seul un Etat solidaire et fort pourra leur faire barrage, les missiles du Hezbollah ne dissuaderont pas un Kamikaze de se faire exploser dans la banlieue sud. Seule une armée nationale, bien renseignée et détentrice exclusive de la coercition, peut l’arrêter avant qu’il ne commette son crime.

 

Amine Issa

L'Hébdo Magazine

03/02/2012

 

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