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citoyen libanais
27 avril 2012

Election, une loi pour rien

Tous les quatre ans, à la veille des élections législatives, le corps politique s’ébroue pour accoucher d’une nouvelle loi électorale, censée assurer une meilleure représentation de la volonté des Libanais. Les deux griefs faits à la loi en vigueur sont qu’elle ne permet qu’aux grands partis d’être représentés, et fait élire la moitié des députés chrétiens par des musulmans. Dans les deux cas de figure, le fond du problème est confessionnel, les grands partis l’étant et la frustration des chrétiens d’être élus par des non-chrétiens le confirme. Une kyrielle de projets sont actuellement débattus; il serait inutile d’en établir la liste, les médias ne font que ça. Dans le meilleur des cas, si l’un ou l’autre de ces projets était adopté, le résultat serait le suivant: plus de députés chrétiens seraient élus par leurs coreligionnaires et quelques députés chiites, frondeurs, tiendraient tête au tandem Amal-Hezbollah. Walid Joumblatt aurait des députés en moins et les concurrents du Courant du futur sur la scène sunnite pourront donner de la voix. A la vue de l’affrontement 8 et 14 mars, ce serait un jeu au total nul. Quoi qu’il en soit, les majorités parlementaires ne se bâtissent pas uniquement sur des alliances objectives, mais aussi sur des considérations régionales, aidées en cela par des pratiques très peu démocratiques, telles les chemises noires. D’ailleurs, le fond du problème, c’est-à-dire le comportement confessionnel des mandatés, ne serait en aucune façon résolu. Est-ce qu’un député chrétien du Akkar, parce qu’élu par des chrétiens, se sentira d’abord libanais pour cette simple raison? Un député chiite du Sud, qui ne devrait rien aux deux grands partis de cette communauté, deviendrait-il un député de toute la nation? Cela est douteux. Le devoir de prudence m’empêche d’être plus catégorique. On sait que nos partis sont le miroir des confessions et que le citoyen, même tenté par un vote différent, ne trouvera pas où déposer son bulletin. Je me répète, même si quelques candidats échappaient, grâce à une nouvelle loi, à cette règle implacable, le résultat resterait en gros le même: des blocs identitaires confessionnels siègeraient au Parlement.

C’est pour cela, également, que l’actuel gouvernement est totalement paralysé. Bien que de la même sensibilité politique sur plusieurs questions internes et externes, et avant même que Walid Joumblatt ne s’en prenne à la Syrie, ce cabinet était déjà stérile. C’est qu’en son sein, ce n’est pas un seul programme politique qu’on applique, mais plutôt des intérêts confessionnels divergents. Le sunnite Mikati ne demande pas ce que sont les aspirations chiites et le druze Joumblatt ne veut pas obtenir ce que le maronite Aoun réclame.

Ceux qui refusent le changement de la loi électorale, sous le prétexte que les mentalités doivent changer avant les textes, sont, eux aussi, dans l’erreur. Les textes et les esprits évoluent de façon concomitante. Mais pour ce qui est des textes, on se trompe de récipiendaire. Ce n’est pas la loi électorale qui doit changer, mais celle des partis. Il serait impossible d’empêcher par la loi, par exemple, le Courant du futur d’être un parti sunnite. Même si sa direction est multiconfessionnelle, sa base ne l’est pas. Ce qu’il faut, en revanche, c’est que la loi mette sur un pied d’égalité, au plan financier, l’ensemble des partis. Il ne faut pas se leurrer; l’argent, même en démocratie, est un nerf indispensable. Or, le laisser-aller actuel ne permet à aucune formation plurielle de jouer dans la cour des grands, ceux qui baignent dans l’argent, le leur et celui de leurs parrains régionaux. C’est donc une loi sur le financement des campagnes des partis qui donnera sa chance à ceux qui veulent se faire élire sur un programme et non pas sur leur identité confessionnelle. Comme il est improbable que ce gouvernement ayant obtenu la confiance de l’actuel Parlement vote une loi en ce sens, il reste aux citoyens et aux hommes politiques indépendants de se mobiliser. Il faut la formation de nouveaux partis, où l’égotisme de ses candidats cède devant l’intérêt desdits partis et que les Libanais les soutiennent, cassent leurs tirelires pour les financer. On avancera qu’il existe des partis transcommunautaires comme le Baas, le Parti syrien national social (PSNS) et le Parti communiste (PC), mais ils ne font pas la différence. Peut-on vraiment compter sur ceux-là, dont les idéologies sont mortes, mais n’ont pas encore eu l’enterrement qu’ils méritent, ce qui leur permet, tels des esprits, d’habiter dans les marges du paysage politique? Que les Libanais s’organisent. Ils ont un an pour le faire. Que des partis se forment et obtiennent quelques sièges, ce serait déjà un début. En sont-ils capables? Telle n’est pas la bonne question. Celle qu’il faut poser est: le veulent-ils?  Si non, ne nous plaignons pas.

 

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

27/04/2012

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