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citoyen libanais
4 janvier 2013

L’islam, une affaire chrétienne

 Quand le prophète se réfugie à Médine, chassé par les Mecquois, il est favorablement accueilli par les juifs et les chrétiens moins nombreux. Ceux-là, contrairement aux juifs, ne se sont pas retournés contre lui lors des batailles de Badr et Ohod. Sous le règne des Abbassides, quand l’islam développa son système philosophique et sa science, ce fut grâce à l’héritage grec, qu’il traduit et développe. L’islam participait ainsi à la marche du monde. Ses idées et découvertes furent reprises par l’Occident. Les principaux traducteurs des Abbassides étaient chrétiens. La renaissance arabe, timide avant la chute de l’Empire ottoman qui avait plongé le monde arabo-musulman dans les abysses de l’ignorance, explosa littéralement après la reddition d’Istanbul. Les nombreux et plus brillants meneurs de cette renaissance étaient chrétiens. La fondation d’Israël, en 1948, donna naissance à la cause palestinienne, qui allait pendant soixante ans être sans concurrence dans le monde arabe. Des chrétiens palestiniens, syriens et libanais furent en première ligne du combat. Georges Habache, Wadih Haddad, Georges Haoui, Michel Aflak, Raymond Eddé, Nakhlé Moutran, Ziad el-Rahbani, Marcel Khalifé, les évêques Hilarion Capucci, Grégoire Haddad, Youakim Moubarak et Georges Khodr, pour ne citer qu’eux. Voilà quatre moments-clés de l’Histoire du monde arabo-musulman où les chrétiens étaient clairement présents en actes et en idées. Aujourd’hui, aux divers fléaux qui s’abattent sur le Moyen-Orient, se réveille, vivace, le virus du conflit confessionnel musulman. Jamais éradiqué, ayant connu des poussées de fièvre et de rémissions en quatorze siècles, à l’âge de la modernité et de ses armes, il est dévastateur. En Irak, au Yémen et en Syrie, il s’exprime par des massacres. Entre l’Arabie saoudite et l’Iran, les coups sont portés ailleurs, dans les trois pays cités plus haut et au Liban, tant l’affrontement direct entre les protagonistes sera catastrophique pour la planète. Certes, il faut avoir toujours à l’esprit les manipulations des grandes puissances dans l’alimentation de ce conflit, mais il ne faut pas rejeter la responsabilité sur les autres, quand le problème est bien enraciné chez nous.

Au Liban, l’affrontement généralisé n’a pas eu lieu, mais ses ingrédients n’ont plus qu’à être mixés. Les discours des têtes brûlées ressassent les mêmes points de litiges depuis des siècles: l’imam Ali et ses descendants devaient-ils succéder au prophète? Le guide de l’oumma, doit-il être de Koreiche, la tribu de Mohammad? Aïcha est-elle la mère des croyants ou une traîtresse? Abou Bakr et Omar sont-ils de grands califes ou des usurpateurs? Des questions auxquelles la majorité des musulmans, sondés lors des révolutions arabes et des émeutes en Iran après les élections de 2009, ne s’est jamais préoccupés. Ce qui mène à la constatation suivante: le problème est éminemment politique, habilement enveloppé d’oripeaux religieux dans une région où les affaires de Dieu peuvent encore rendre fous. Un nombre suffisant d’illuminés peut enflammer toute la maison. Le Liban pourrait être encore une fois le laboratoire d’une expérience d’apaisement réussie entre les deux communautés musulmanes. Cette fonction peut être dévolue aux chrétiens. Désormais minoritaires au Liban, leurs choix ne sont pas nombreux. Ils peuvent tenter l’expérience alaouite en Syrie ou sunnite en Irak et prendre le pouvoir en s’alliant à une autre minorité. Je doute qu’ils en aient la moindre capacité ou l’envie. Ils peuvent aussi se replier sur eux-mêmes, accepter la dhimmitude ou rêver encore d’un foyer chrétien. Le premier est anachronique, le second est suicidaire. Or, malheureusement, la politique des dirigeants chrétiens au Liban est un mélange inégal et inconsistant de toutes ces options. C’est bien pour cela que la déprime des chrétiens est profonde. Leur rôle, l’Histoire l’a suffisamment montré, est d’être à la pointe de tous les combats de l’islam. C’est ainsi que celui-ci a souvent trouvé sa voie, c’est ainsi que les chrétiens peuvent exister durablement et vivre leur réelle vocation.

Alimenter en sous-main la tension entre chiites et sunnites est un pari perdant. Se prévaloir de l’amitié de l’une contre l’autre ne promet que l’enfer pour tous. L’ancienneté des chrétiens dans cette région, leur capacité d’innovation, leur compréhension d’un monde en mutation, leur pratique de la raison, leur mission évangélique qui, dans la société civile est éclatante, devraient en politique prendre le pas sur les pratiques de flibustiers.

Amine Issa

L’Hébdo Magazine

04/01/2013

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