A propos du livre "Les deux Imams"
Un lecteur de mon livre « les Deux Imams, Le Coran Contre l’Obscurantisme » (Dar An-Nahar) qui est un dialogue imaginé entre un imam éclairé et un imam obscurantiste, m’écrit ses appréciations. Je publie sa lettre ainsi que ma réponse.
Cher Amine,
Je vous adresse ces quelques lignes d'une part pour vous féliciter de la qualité du travail fourni dans l'écriture de ce magnifique livre et d'autre part vous remercier au nom de tous les musulmans en particulier les musulmans vivant en occident. Car pour nous ce livre est une délivrance et apporte des réponses précises basées sur le coran à toutes nos questions liées à la pratique de notre religion dans des pays de tradition judéo-chrétienne.
Ce livre est à mon sens une référence car il met en lumière les piliers sur lesquels le prophète psl a fondé la Ouma islamique ( le bon comportement, les bonnes actions et le bon sens de chaque musulman dans l'interprétation des versets coraniques et des Hadith du Prophète Mohamed psl)
Les savants musulmans ont démissionné de leur rôle d'éclaireur et les musulmans ne font aucun effort dans la recherche du savoir alors que les premiers versets dictés au prophète Mohamed psl sont des incitations à chercher le savoir, donc l’islam est une religion de savoir.
Ce silence des savants musulmans a malheureusement laissé libre champ à des individus qui se réclament d'un islam fondamentaliste qui déracine les pactes de paix et de cohabitation pacifique signé par le prophète psl ( immigration des musulmans persécutés vers un roi chrétien en Abyssinie, pacte de protection avec les juifs de Yatrib) avant la conquête de la péninsule arabe et qui sont restés en vigueur même après sa mort. Le prophète psl avait la possibilité de contraindre les monothéistes (Juifs et chrétiens) à se convertir à l'islam, il ne l'a pas fait car il est envoyé comme avertisseur et non comme un despote.
Ces imams qui décrètent qu'il vaut mieux arrêter de travailler que de rattraper les prières le soir à la maison! Oublient le Hadith du Prophète psl qui déclare la supériorité de la main qui donne à celle qui reçoit?
Nous avons pris nous les musulmans pour habitude de sortir les versets du coran de leur contexte. Ces comportements ont permis d'induire en erreur une grande partie de la communauté musulmane.
Si seulement on pouvait faire des milliers d'exemplaires de ce livre et les parachuter sur l'état islamique (daesh), peut être que ces barbares comprendraient qu'ils ne sont pas encore devenus musulmans!!!
Je ne peux finir que par une interrogation : comment un homme qui connaît et reconnaît le prophète Mohamed psl ne s'est il pas converti a l'islam?
Meilleures salutations
Daouda Malam Baba
Cher Daouda
Vous me faites trop d’honneur dans cette lettre, mais je reconnais ma satisfaction. Votre témoignage est la confirmation et l’intérêt d’un travail et d’une réflexion de trente ans. Je vous dirais également, qu’à la fin d’une série de cours que j’ai donnés cet hiver sur l’Islam, à L’UPT de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, j’ai été approché par une de mes élèves de confession musulmane. Elle s’est adressé à moi en ces termes « Vous m’avez réconcilié avec ma religion ».
Cher Daouda, la falsification de l’esprit du Coran et son instrumentalisation par les hommes de religion et les pouvoirs en place, ne concerne pas uniquement l’Islam. Beaucoup d’autres textes, religieux et autres, tels les Évangiles, les écrits Jhon Stuart Mill le théoricien du libéralisme économique, ainsi que la philosophie de Hegel, ont été de la même façon détournée. Mais ce qui était acceptable il y’ à peine soixante ans, ne l’est plus aujourd’hui. La démocratisation et la diffusion des sciences, particulièrement humaines à travers la planète, l’aspiration et la possibilité de la liberté, le recul de la pauvreté à travers la planète, même si les ressources restent encore inégalement réparties, nous exhortent désormais à refuser toute manipulation. C’est devenu un devoir de ne plus se taire.
Vous proposer de parachuter mon livre aux partisans de l’Etat-Islamique. Je crois que ce serait peine perdue. C‘est vrai qu’une longue tradition d’interprétation du Coran dans un sens violent et obscurantiste a pu tromper des générations et soit devenue la règle de conduite. Mais je pense que ces partisans sont poussés à la violence pour de tout autres raisons. Quatre cents ans de joug et d’immobilisme ottoman, un siècle d’indépendance et de déceptions, des décennies de dictature, de répression, d’humiliation, de pauvreté et d’indigence intellectuelle, sont les véritables causes de ce déferlement de violence. Voyez, quand on est dans cet état d’esprit que je résumerais par désespoir, si un feu s’allume quelque part, ces populations, n’ont plus qu’un souhait, tout détruire, pour tout recommencer, car ils pensent que rien ne peut être réformé. Il se fait que ces personnes sont musulmanes et que des sourates sorties de leurs contextes sont violentes. Ils s’en sont saisis pour justifier leurs haines de tout, comme les nihilistes européens se sont saisis de la philosophie de Nietzche au tournant des dix neuvième et vingtièmes siècles. Ils n’ont retenu du philosophe allemand, qu’il fallait abattre toutes « les idoles » et non pas compris la symbolique du terme et l’appelle à une société libre et à un homme libre. Mais ne nous faisons pas d’illusions, les partisans de l’État Islamique sont définitivement perdus, ils l’étaient déjà avant de sombrer dans la violence. Par contre, oui, diffusons ce livre auprès des autres et qui sont la majorité. Qu’ils apprennent que l’Islam est un texte révolutionnaire, qui appelle au savoir, au progrès et à la paix. Dieu demande de n’adorer que lui, lui qui n’est pas là, et ce, pour couper la route à tout tyran. Dieu a demandé aux anges de se prosterner devant sa créature, l’Homme (XG), car c’est pour l’Homme qu’il a créé le monde.
Enfin, je reprends votre questionnement, pourquoi je ne me convertis pas à l’Islam. Cher Daouda, permettez-moi ici de faire une distinction, entre l’identité, la religion et son éthique. Vous êtes d’origine nigériane, musulman, et portez en vous les traditions ancestrales de votre pays. Vous êtes aujourd’hui citoyen suisse, mais est-ce qu’un passeport peut il annuler d’un coup tout votre habitus ? Certes non et un Suisse au Niger éprouverait le même sentiment de déracinement. Certes vous partager beaucoup de valeurs avec les citoyens suisses, mais vos racines vous manques, elles ne peuvent que vous manquer, surtout les plus constructives, tel l’Islam. Peut-être votre petit-fils sentira moins les effets de cet arrachement. Donc, ne pouvant emmener votre pays avec vous, certaines de vos traditions, vous insistez sur votre appartenance religieuse qui ne contredit pas la loi de votre pays d’accueil. À ce stade votre appartenance à la religion musulmane et le souhait de voir les musulmans augmenter sont une assurance pour vous. C’est une identité ancienne, stable, transportable, qui vous permet de vous situer dans ce pays qui n’est le vôtre que récemment. Par contre, être musulman, par la foi en le message de Dieu, a-t-il besoin d’être annoncé, inscrit quelque part ? Je ne pense pas. Je suis né chrétien, mais je ne le suis pas seulement par identité et par héritage. Je suis chrétien par conviction, parce que je pense que le message du christ, qui nous est transmis par les évangiles et non pas par l’église, est un message merveilleux, qui me libère et m’amène la paix. Je dois vous dire que je n’adhère pas à ce message entièrement, à ce jour je ne crois en la résurrection. Mais cela ne m’empêche nullement d’appliquer dans mon quotidien, librement, les prescriptions du christ en matière de paix, de liberté, de pardon et de solidarité. De la même façon que j’applique ce que dans le Coran, je trouve merveilleux et progressiste sur le statut de la femme, l’égalité entre les hommes, l’humilité, le refus de la violence, le pardon et « le commandement du bien ». Pensez-vous que si je m’en tiens à ces fondamentaux de l’Islam, est-il nécessaire de me convertir officiellement ? Ne suis-je pas déjà musulman à vos yeux. Pensez-vous que Dieu dans sa splendeur se soucie vraiment qu’il y est un musulman déclaré de plus ou de moins ? Ou bien son véritable désir et que nous nous comportions comme il le souhaite et que j’évoquais plus haut et dans mon livre ?
Au plaisir de vous relire
Respectueusement
Amine Issa