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citoyen libanais
22 juillet 2015

Grèce, le mal est avant tout politique.

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En 2010, l’UE et le FMI mettent la main au pot une première fois pour sauver la Grèce. De l’argent sera prêté en contrepartie de réformes. Quels furent les résultats? Résumons. Sous perfusion, la Grèce n’a pas coulé. Les grecs ont souffert, l’Etat-providence distribue moins et l’économie recule. Mais en 2014, on peut déjà dire autre chose. La dette baisse légèrement par rapport à 2010. Elle reste stable en pourcentage du PIB, qui lui, est en recul. Mais le PIB commence à frémir en 2014 où il augmente de 0.6%. Autres bonnes nouvelles, le budget en 2013 et 2014 dégage, pour la première fois en dix ans, un excédent primaire, c’est à dire avant le paiement des intérêts de la dette. Et après le paiement de celle-là, le déficit du budget rapporté au PIB est de 3.2 % en 2013 et 2.7% en 2014, moins que le plafond de 3% autorisé par les critères de Maëstricht. Cela veut dire que l’Etat a réussi dans une certaine mesure à réduire son train de vie et à augmenter ses recettes. Mais une réalité est plus dure, le PIB reste en 2014, 18 % moins élevé qu’il n’était en 2010, la dette est à 174 % du PIB (148.3% en 2010) et le chômage est  à 25.8% (17.7% en 2010) (1). C’est surtout ce chiffre, celui du chômage, qui est le signe d’une économie malade et de souffrances.

Dans cette situation, les créanciers, s’ils sont satisfaits du rééquilibre des comptes publics, veulent récupérer leur argent, capital et intérêts. La Grèce en est encore incapable. Que demandent pour cela les créanciers? Encore plus d’effort sur les salaires, l’âge de la retraite et ses prestations, et une hausse de la TVA. Alexis Tsipras est arrivé au pouvoir sur un discours, qui non seulement rejette les nouvelles demandes (qui sont quand même accompagnés d’un apport en argent frais), mais remet en question des dispositions acceptées par les gouvernements précédents, notamment sur les privatisations et le code du travail. Il ne pouvait résulter de cette polarisation qu’une confrontation. Alexis Tsipras n’avait qu’une carte en main, se positionner comme une victime. Il annonce un référendum sur les nouvelles mesures imposées par les créanciers. Certains y ont vu un grand moment de démocratie, étonnant, quand pour obtenir l’aval du parlement pour organiser le référendum, il a fallu obtenir les voix «d’Aube dorée» le parti fasciste et xénophobe. D’autres y ont vu de la démagogie. Ce n’est ni l’un ni l’autre, mais simplement de l’irresponsabilité et de l’enfantillage.

 La démocratie, n’est pas uniquement une question de vote, de consultation populaire et d’en accepter les conséquences. La démocratie est un tout, fait de droits certes, mais devoirs. Tel le respect des lois et des accords qu’on a passés, tant au niveau national que régional, c’est-à-dire au sein de l’Europe et de l‘Eurogroupe. Or, c’est tout ce que n’ont pas fait les grecs. Corruption, clientélisme, gabegie, évasion fiscale, toute une série de comportements qui vident la démocratie de tout sens, qui rendent le dirigeant politique peu comptable de ses égarements, puisque le citoyen aussi coupable, ne lui demandera pas de compte. Ils sont les deux, les lurons d’une même mauvaise farce.

Démagogie non plus. Adolf Hitler, Joseph Staline et plus proche de nous, Hugo Chavez et Vladimir Poutine sont des démagogues. Ils mentent, mais ils ont les moyens pour un temps de leurs mensonges. Alexis Tsipras, n’avait aucun moyen et son mensonge n’a duré que quatre jours, c’est-à-dire le temps qui a séparé le référendum sur les mesures de l’UE et le nouveau plan qu’il a présenté, qui reprenait presque toutes les demandes des créanciers. Ce référendum salué comme un grand moment de démocratie ou de démagogie, n’était en fait qu’un grand banquet auquel avait convié le premier ministre toute la Grèce. Dans l’enthousiasme des toasts portés à la résistance grecque, Alexis Tsipras propose à ses citoyens, saoulés de belles paroles, de ne pas payer l’addition. Avinés, ils acquiescent à 61%, les autres restant sobres. Mais au moment de partir, le restaurateur était là avec son gourdin. On cherche celui qui avait soufflé cette brillante idée à Alexis Tsipras, son ministre des finances, Yanis Varoufakis. Mais celui-là s’est éclipsé par la porte de service, en démissionnant au lendemain du référendum. Une lamentable pantalonnade!

Maintenant que les têtes se sont refroidies et qu’un nouvel accord est signé, que peut-on en dire. D’abord, il y a la bataille des chiffres. Cette monomanie des technocrates qui lisent des bilans, proposent des solutions, mais ne savent pas compter les individus qui tombent dans la déchéance quand on leur coupe une partie de leurs pensions ou que l’on augmente le prix d’un bien. Certes, pour corriger des dérapages, il faut toujours des sacrifices. La question est de savoir mesurer ceux-là, dans leurs conséquences sur le quotidien des citoyens et leurs efficacités. Pour ce dernier critère, il y  a un débat jamais clos entre ceux qui préconisent l’austérité et ceux qui préconisent un plus grand laxisme, pour redresser une économie. Dans le cas de la Grèce, il est clair que c’est l’austérité qui prévaut. Pour le premier critère, les conséquences sur le quotidien des citoyens, il ne fait pas partie des fonctions des calculatrices. Je donne un exemple. Les créanciers exigeaient que la TVA sur l’électricité passe de 11% à 23%, la Grèce s’y refuse. Dans la dernière proposition grecque, elle passe à 13% et les créanciers l’acceptent. Non pas qu’ils ont enfin mesuré la brutalité de la hausse qu’ils exigaient, mais parce que les grecs leur proposaient de compenser leurs «manques à gagner» ailleurs, en augmentant la TVA sur d’autres produits! (2)

Il faut quand même relever l’effort consenti par les créanciers pour lever un fond de 35 milliards d’Euros pour les investissements créateurs d’emplois et la possibilité d’étaler les délais de remboursement de l’ensemble de la dette. Même que le FMI a, dès la signature de l’accord, annoncé qu’il considérait la dette grecque comme un fardeau insoutenable et qu’il fallait songer à la réduire (3). Dire que Christine Lagarde était la bête noire d’Alexandre Tsipras et qu’il voulait l’exclure de la négociation!

Mais il ne faut pas se méprendre, ces accords ne sont pas uniquement le travail de technocrates. Les politiques y sont tout aussi impliquées. Wolfgang Schaüble le ministre des finances allemand, qui ne serait qu’un froid calculateur, est aussi un élu du peuple, qui doit rendre compte de l’argent qu’il autorise à sortir des caisses. Son style cassant et autoritaire est déplaisant, mais cela ne donne aucun crédit aux accusations portées à l’Allemagne. Voici une des âneries avancée par un économiste, pour masquer les manquements de la Grèce à une économie responsable. L’Allemagne en «achetant» la RDA, lors de la chute du mur de Berlin, aurait profité d’une main-d’œuvre bon marché, qui lui aurait permis de s’enrichir et donc de respecter, contrairement à la Grèce, une discipline budgétaire. Quand on achète une société en faillite, comme l’était la RDA, on la paye un Euro symbolique, vu son passif. Or, l’Allemagne a payé pour sa réunification entre 2500 et 3000 milliards d’Euros, 10 fois la dette de la Grèce, et elle s’est contrainte, sous le chancelier Gerhard Schröder, à une cure d’austérité pour payer seule cette facture. Deuxièmement, il est vrai que, là, l’Allemagne a hérité d’une nombreuse main-d’œuvre bon marché. Sauf que celle-là ne lui servait à rien. On ne fabrique pas des Mercedes bourrées d’électronique par des ouvriers qui assemblaient des Trabans dont la mécanique n’a pas évolué depuis le premier moteur à explosion.

Ce que les allemands et tous les créanciers ont prétexté pour durcir le ton et leurs conditions, est avant tout politique. Dans la «Déclaration du sommet de la zone euro» le 12 juillet. La première phrase est la suivante « Le sommet de la zone euro souligne la nécessité cruciale de rétablir la confiance avec les autorités grecques, condition préalable pour un éventuel futur accord sur un nouveau programme du MES (Mécanisme Européen de Stabilité)». Car c’est de cela qu’il s’agit avant tout. Suivra une série de mesure dont on peut discuter l’efficacité économique. Mais celle-là ou toute autre, ne serviraient à rien si les grecs n’arrêtent pas de tricher. De là, les mesures les plus importantes de ce document sont «La garantie de la pleine indépendance juridique de l’ELSTAT (l’organisme officiel de statistique grec)», «Une refonte en profondeur des procédures et modalité propre au système de justice civile», «Renforcer la gouvernance du Fond hellénique de stabilité financière et des banques, en particulier en éliminant toute possibilité d’interférence politique, notamment dans les processus de nominations»,  «Dépolitisation de l’administration publique» (4), je ne cite pas tout. Une TVA sur l’électricité à 1% ou 50% n’y changera rien, si les grecs ne respectent pas ses engagements. Les services comptent pour 80% du PIB grec, dont 18% pour le tourisme et une flotte marchande qui transporte à elle seule 50% du tonnage de l’UE (5). Or ce sont ces deux secteurs qui échappent le plus à l’impôt. En ne payant pas, ils pénalisent non seulement le trésor grec et le rende insolvable, mais aussi le simple citoyen grec qui est obligé de se serrer la ceinture pour pallier à leurs évitements.

 La démocratie doit revenir en Grèce, c’est un préalable, une saine gestion ne peut en faire l’économie.

Amine Issa

22/07/2015.

 

1-BM, Eurostat, Les Echos Data, FMI, Global Finance.

2- Le Monde, le 04/06/2015 & 10/07/2015.

3- The New York Times, le 15/7/2015.

4- Le Monde, le 14/07/2014.

5- SECO, le 3/03/2015 & Wall Street Journal, le 21/7/2015.

 

Commentaires
S
Bravo pour cette analyse très fouillée, avec une dose d'ironie que les commentateurs européens ne se permettent pas. Dans l'Union Européenne, la politique et l'économie ne peuvent plus se dissocier. Et chaque gouvernement est responsable du civisme de ses citoyens.
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citoyen libanais
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