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citoyen libanais
3 septembre 2015

La poubelle d’abord, les élections suivront

la poubelle

Une des particularités de la manifestation du 29 aout est l’incapacité des partis politiques de la cerner dans un schéma d’identification traditionnel. Souverainistes, régionalistes, musulmans, chrétiens, sunnites, chiites, urbains, provinciaux, étudiants, travailleurs, bourgeois, toutes les catégorisations se sont cassé le nez. C’était le citoyen avant la politique, qui était dans la rue. C’est une espèce que les partis politiques ne connaissent pas, ou du moins sont extrêmement mal à l’aise quand elle s’exprime. Le désarroi des politiciens est apparu au grand jour par leurs réactions. Elles sont deux. Certains ont protesté d’être mis dans le même sac que les « corrompus » et réclamer le droit de manifester eux aussi pour les mêmes revendications. Ils ont peur qu’on leur ôte leur fonds de commerce alors qu’ils l’ont dépensé depuis longtemps. D’autres ont appuyé sans réserve les réclamations des manifestants, ils reconnaissent les griefs qu’ont leurs adresses, mais sont incapables d’aller au-delà de cette reconnaissance.

Au Liban, les querelles politiciennes, se déploient sur un axe communautaire, avec donc des objectifs inconciliables. Les chiites sont les défenseurs des frontières contre les takfiristes et Israël, et sont soutenus par l’Iran chiite. Les sunnites, sont les promoteurs de l’économie libérale et de la croissance à tout prix, participent politiquement, pour certains égarés militairement, à la campagne anti-Assad mené par les pays arabes sunnites. Les chrétiens sont les faires valoir des deux communautés précitées tout en plaçant subrepticement leur marchandise fédérale. Les Druzes sont le balancier de l’ensemble.

Les modes de gestion au sein de chaque communauté sont également incompatibles. Le Hezbollah est un parti théocratique et mystique monté sur une structure idéologique de source occidentale, accroché à l’Iran. Amal est un parti chiite au service d’un saltimbanque du compromis, tant que les caisses de l’état lui sont son aumônière. Le directoire du Courant Du Futur, ressemble plus au conseil d’administration d’une société immobilière qu’a un bureau politique, et est colleté à l’Arabie-Saoudite. Le PSP, le mouvement des Maradas et les Kataebs, sont des partis qui voilent impudiquement leur nature féodale. Le CPL est le parti d’un demi-dieu et les Forces Libanaises celui d’un homme seul et mystérieux.

Revendication antagoniste et structure mentale qui empêchent tout dialogue, ces partis-communautés ne peuvent que se partager les richesses du pays, sans encourager sa production. Les revenus de l’État sont composés de deux sources. Un, l’endettement, et deux les impôts indirectes, tels les droits de douane, la TVA, les taxes sur les transactions. Ces impôts sont plus faciles à collecter, mais ils dénotent surtout que l’appareil productif au Liban, imposé lui directement, ne peut alimenter les dépenses de l’état. Pourquoi ? Parce que l’état n’assure pas la stabilité politique requise pour des investissements dans un appareil productif dont les bénéfices ont besoin de temps pour se déclarer. Les Libanais ne disposent pas de temps, du moins d’un temps serein. Résultat, une dette astronomique et une économie majoritairement volatile et de court terme.

Certes, les partis-communautés sont loin d’avoir perdu la partie, puisqu’à part quelques enthousiastes, les manifestants ne prônent pas un renversement du régime. Les manifestants ont peut être compris que la révolution du cèdre a échoué, parce que les mentalités n’avaient pas changées. Ni celles des politiciens irresponsables, ni celles d’au moins la moitié des Libanais qui continuent, malgré leurs souffrances, à ne pas les sanctionner. Les revendications doivent être cette fois, d’abord sociales et économiques, donc citoyennes, inclassables sous une des catégories traditionnelles de division entre les Libanais. Ainsi, on ôtera aux partis-communautés la possibilité d’étouffer le poison par des revendications politiques susceptibles de mille approches, qui maintiennent les replis partisans et permettent la perpétuation de la classe politique, tels les armes du Hezbollah, le fonctionnement du gouvernement, les conditions de l’élection d’un président. Cela dure depuis dix ans alors que le pays sombre.

Incapables d’adresser les revendications citoyennes, les partis, à moins de faire le choix de la violence, seront contraints de céder une partie de leur monopole de la représentation politique par le biais d’élections qu’ils seront acculés à organiser. Les Libanais désillusionnés, qui ne votent plus et même des adhérents aux partis installés, voteraient pour le porteur d’un projet citoyen.

Amine Issa

03/09/2015

 

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Commentaires
S
Au delà des politiques, c'est l'État qu'ils ne laissent pas fonctionner, que les manifestants demandent. Les hommes ont un besoin essentiel d'État. Seulement, quand ils sont divisés, ils redoutent celui qui serait tenu par des adversaires politiques. <br /> <br /> Nous ne sommes pas si éloignés de cette situation en France, où pourtant, il y a un État qui n'est pas totalement assujetti à la majorité au pouvoir....malgré ses regrets. Ce que nous appelons "un état de Droit", représenté par des institutions juridiques dotées d'un pouvoir de censure.<br /> <br /> Que peut-on souhaiter au Liban? Un homme "providentiel", qui satisfasse une majorité, avec beaucoup de gardes du corps.
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citoyen libanais
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