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citoyen libanais
14 septembre 2015

Dans l’urgence, l’Europe se trompe.

 

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En 2013, quand Daech et l’ensemble de la nébuleuse islamiste, prennent définitivement le dessus sur toutes les autres unités de rébellion au régime de Damas, elles avaient bien compris le message occidental. Celui-ci n’interviendrait pas en Syrie. Le président Assad avait franchi la « ligne rouge » tracée par le président Obama en utilisant des armes chimiques contre sa propre population et les États-Unis n’avaient pas bronché, reprenant leur parole donnée. Le message fut bien reçu également par les pays du Golfe et la Turquie qui multiplièrent leurs soutiens aux islamistes. C’était pour l’islam politique sous ses deux formes arabe et turque le seul moyen de tordre le cou au régime alaouite qui leur avait toujours tenu tête.  L’Europe n’a aucune obligation de sauver le peuple syrien du massacre. Et les Arabes sont tout aussi libres d’acheter des armes là où ils veulent pour s’entretuer. Mais quand des journalistes européens de renom préparent le terrain aux hommes politiques en nous déclarant qu’il faut aider le régime syrien et collaborer avec l’Iran et la Russie, pour stopper la déferlante haineuse et sanguinaire des islamistes, la ficelle étouffe tant elle grosse. Quand l’Europe pour ne pas intervenir efficacement, utilise comme prétexte le précédent libyen, où l’aviation occidentale avait aidé à renverser le Colonel Kadhafi, mais dont l’élimination a abouti au chaos, c’est une imposture.

Si les dictatures se ressemblent, elles ne sont pas, dans leurs effets sur leur société toutes semblables. Ainsi, à une extrémité du spectre, la dictature du président Ben Ali, pour des raisons qu’ils seraient trop longs d’évoquer ici, avait laissé à la société tunisienne des lambeaux de liberté, que celle-ci avait investis intelligemment. Ainsi, sous le boisseau, et publiquement au risque de se faire arrêter, les Tunisiens ont mené le sourd combat d’une société ouverte qui réfléchit, s’instruit, s’exprime et surtout s’organise. Quand le régime s’effondra, la Tunisie n’était pas dépourvue de toutes capacités pour remplir le vide. Les islamistes gagnèrent certes les premières élections. Il ne faut pas y voir une fatalité. Du moment que sous Ben Ali, ils ne réclamaient pas le pouvoir et partageaient le même mépris que le dictateur pour la liberté, ils étaient officieusement tolérés à se structurer et à investir le tissu social pour faire pièce à toute opposition démocratique. Mais leur victoire fut de courte durée. Aux secondes élections, ils furent rapidement désavoués par une majorité de la population qui ne voulait pas de leurs anachronismes et parce que les partis laïques avaient entretemps rattrapé leur retard organisationnel. La Syrie n’était pas la Tunisie, mais la Libye non plus où, sous le régime de Kadhafi, la société civile n’existait tout simplement pas. Il est clair que si pendant les deux premières années du conflit syrien, l’Occident était intervenu auprès des insurgés, pacifiques d’abord, armés ensuite, mais réclamant un état civil, la situation de ce pays ne serait pas celle qu’elle est aujourd’hui.

En Europe, face au réveil des terroristes islamistes tapis dans la demeure et surtout face au flux de réfugiés, dans l’urgence - qui est devenue la perspective la plus éloignée des sociétés occidentales - et par frilosité, voilà qu’on trouve soudain dans la Russie et l’Iran, des pays fréquentables. Puisque l’Europe ne veut envoyer que quelques bombardiers courir après des ombres dans les déserts syrien et irakien, alors, que les fantassins du Guide iranien, ses légions libanaises et irakiennes, ou les cosaques russes fassent le nettoyage. Oubliez l’Ukraine, l’Ossétie et Sébastopol. Oubliez l’Irak, le Liban et le Yémen, où la République islamique étend sa toile d’acier. Pour réduire la menace islamiste, voilà que l’on fait appel à des régimes qui n’ont que dédain pour la vie humaine et pour la population syrienne, assommée tous les jours par l’artillerie et l’aviation de leurs protégés à Damas.

Fi de la morale, imposture, courte vue également, face à l’urgence. Des attentats en Europe, un flux de déplacés ? On remet en selle celui qui est à l’origine de ce résultat. Et qui de mieux pour l’aider ? Ses semblables, russe et iranien. Cette sous-traitance est une mauvaise affaire. Deux dictatures qui, si elles parrainent le nouveau pouvoir en Syrie, avec ou sans Assad, ne peuvent que reproduire un clone de celui-ci. Il y aura peut-être un court répit. Mais les monarchies du Golfe et la Turquie continueront à nourrir l’hydre assommé et Daech resurgira sous une autre forme et peut être sous un autre nom. Les bombes recommenceront à sauter en Europe et ailleurs et les déplacés à affluer aux frontières.

Que faire ? Créer une zone d’exclusion aérienne au nord de la Syrie, où les Kurdes ont montré une capacité admirable de résistance et d’organisation du moment qu’on leur donne les moyens. Y rassembler tous ceux qui croient encore dans un régime civil et démocratique, les armer convenablement, compter sur des ralliements au sein des forces armées syriennes: seule option qui fasse sens et qui donne de l’espoir, dusse-t-elle échouer, et qui pourrait aussi arrêter la migration vers le Nord et refroidir la tête des musulmans européens tentés par le terrorisme.

Amine Issa

14/09/2015.

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Commentaires
S
J'ai toujours le même plaisir à lire vos analyses pertinentes, qui ont l'avantage d'une vision de près. L'Europe n'a pas le devoir politique de sauver les syriens, mais "moral", oui. Elle est déjà débordée, parce que le flot est subit et trop important, mais avec un peu plus de temps, elle devrait y parvenir. <br /> <br /> Mais pour beaucoup de responsables politiques cohérents, une intervention de combattants au sol s'imposera tôt ou tard. Selon moi, seules les unités françaises, bien équipées et aguerries, y sont prêtes. <br /> <br /> L'opinion française bouge dans cette direction.<br /> <br /> Les adeptes de Daech prêts à partir ont maintenant moins de facilités, et ceux qui sont tentés par l'attentat ne sont pas du niveau des anciens, éliminés. La majorité des musulmans français, d'un bon niveau de formation et de niveau social, réprouve cette dérive.<br /> <br /> J'essaie d'attirer l'attention de mon entourage et des politiques que je rencontre vers votre site.
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