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citoyen libanais
9 novembre 2015

Les évêques, le sultan, le jurisconsulte et la peur.

Source: Flickr

Le bilan du synode, que le pape François a réuni autour du thème de la «famille», est en demi-teinte. La résolution la plus importante concerne les croyants divorcés et remariés. Précédemment, ils étaient interdits de communion. Désormais, leurs cas seront réexaminés individuellement, pour évaluer l’opportunité de leur participation à l’eucharistie. Il a fallu toute l’énergie du pape et des évêques qui lui sont acquis pour en arriver là. Cette décision, même timorée, n’a obtenu qu’une seule voix de plus que la majorité qualifiée requise (1). Une cabale fut menée contre eux par les évêques conservateurs, qui vont aller jusqu’à répandre la rumeur que le pape François avait une tumeur du cerveau et était incapable de mener l’assemblée des évêques. Un autre comparera tous partisans de l’avortement ou de l’acceptation des homosexuels dans la communauté chrétienne à des nazis et des communistes. L’évêque Mark Cloridge répliquera «certains parlent comme si nous étions à Armageddon» (2). Pourquoi ce raidissement, alors que les évêques conservateurs savent depuis l’enquête menée dans les paroisses, que les catholiques sont insatisfaits de leurs hiérarchies et de leurs intransigeances. Les catholiques désertent les églises et les vocations sont en baisse (3). Peu importe aux princes de l’église, ils ont peur pour leurs privilèges, de perdre la haute main sur les âmes et donc on le sait depuis longtemps, le portefeuille de leurs ouailles. Alors, ils leur font peur. Le divorce, c’est perdre sa place au sein de l’église; rejeté par elle et par Dieu, vous irez en enfer. Et dire que le Christ avait pardonné à la femme adultère !

Aux élections législatives de juin, Recep Tayyip Erdogan s’est inquiété de voir le pouvoir lui échapper. Pour récupérer en novembre les voix perdues, entre les deux scrutins, il s’est attelé  à effrayer les Turcs. Il a sciemment rallumé la guerre avec les Kurdes du PKK. Les attentats et les morts ont suivi, la livre turque s’est dévaluée. Cela a très bien fonctionné. Les voix perdues en novembre par le DHP, parti majoritairement kurde et le MHP, ultra nationaliste se sont reportées probablement de la façon suivante: les non-Kurdes qui votaient pour le DHP, ouvert à tous les déçus de l’AKP, ont voté certains pour le parti républicain kémaliste, d’autres, la mort dans l’âme pour l’AKP qui promettait l’éradication du terrorisme. Ceux du parti ultranationaliste se sont reportés en masse sur l’AKP. Ils ont préféré l’original, celui qui massacre les Kurdes, à la copie qui ne fait que pérorer. Dans un de ses premiers discours après sa victoire, Recep Tayyip Erdogan a rappelé les deux piliers de son programme. Changer la constitution pour augmenter les pouvoirs du président de la république, poste qu’il occupe. En clair, débarrasser graduellement la démocratie turque de tous ses contre-pouvoirs et rétablir un sultanat en cravate. Le second point, continuer la guerre jusqu’au dernier combattant du PKK. On ne change pas une recette qui a réussi.

Suite à la signature de l’accord nucléaire entre l’Iran et la communauté internationale, l’Imam Khamenei a été très clair. Le véritable danger est l’invasion culturelle américaine (4). Il a raison d’en avoir peur. Si les Iraniens condamnent  le traitement que leur infligent les États-Unis, ils ne rejettent par son mode de vie et sa culture. Le guide en est parfaitement conscient. La culture américaine est d’abord Macdonald et Hollywood, mais elle est aussi liberté d’expression, liberté toute courte et démocratie. Alors quand un malheureux iranien obtient l’autorisation de la chaîne de restauration KFC d’ouvrir une première enseigne à Téhéran et dont le logo est une sorte d’Uncle Sam souriant, le guide prend peur. Le magasin est fermé sitôt ouvert (5).

Face à la mondialisation, à la crise des modèles économiques et sociaux, à l’ébranlement de tous nos repères, on assiste comme à chaque crise de ce type, à un raidissement et à un retour à des certitudes désormais inopérantes et dangereuses. Notre histoire commune est familière de ces réactions. Mais cette même histoire nous apprend aussi que c’est une perte de temps. Après la révolution de 1789, il y eut la Restauration et le Second Empire, presque un siècle. En fin de compte, la démocratie a repris sa construction.

Aujourd’hui, en Occident, resurgissent les courants nationalistes xénophobes, le fascisme n’est plus un délit, et le «principe de prudence» devient celui de l’inaction. En Orient, les dictateurs pèsent de tous leurs poids, quand ils n’écrasent pas leurs peuples sous des bombes. Dans ces deux mondes, les évêques catholiques bloquent les issues, contredisent la «miséricorde» de l’évangile et nous menacent de l’apocalypse; les musulmans dévoient leurs religions, veulent ressusciter un passé qui n’a jamais existé en allumant les feux de l’apocalypse.

 La peur est mauvaise conseillère, elle incite les gouvernants à s’accrocher et les peuples à s’abrutir. On y a tout à perdre. Raisonnons, gardons la foi, mais osons.

Amine Issa

09/11/2015

1-Synode: un rapport final sous le signe du discernement et de la tendresse, Radio Vatican, le 24/10/2015.

2-Vatican meeting reveals growing Catholic divide over divorce and homosexuality. Antony Faiola, Washington Post, le 22/10/2015.

3-Der Spiegel, le 05/02/2104.

4- Al Nahar, le 17/09/2015.

5-Elaph, le 4/11/2015.

Commentaires
S
Cela pourrait vouloir dire que l'Église est plus "démocratique" qu'il n'y parait, mais je pense aussi à la force de la lettre. En d'autres temps, l'Église fut plus "cool", mais en phase "militante", sur la défensive, elle est sur ses gardes.<br /> <br /> Le dernier mot appartient au Pape.
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S
Bien que athée, mon réflexe est de défendre la logique de l'Église catholique, apostolique et romaine (accessoirement). Elle ne peut se réformer que par le haut, par la décision murie du Pape. Qui doit cependant ne pas l'affaiblir. Il est évident qu'elle ne s'adapte, ni à la demande des fidèles, ni en suivant les sinuosités des moeurs. La crise des vocations est réelle. À mon avis, le respect de la chasteté est devenu trop éprouvant dans le contexte des libertés en la matière, expressions diverses comprises.<br /> <br /> Les évêques les plus réticents sont les africains. Ils sont bien placés pour savoir que la chasteté est plus difficile à tenir dans les pays réellement chauds. <br /> <br /> Le célibat des prêtres, éventuellement chaste,n'est pas défendu seulement que pour une raison morale. Il est la meilleure défense contre les persécutions, contre les manipulations par le pouvoir séculier.<br /> <br /> Je partage votre avis sur l'attractivité du modèle sociétal des États-Unis, ses libertés politiques fondamentales. Cet avantage, pour les citoyens, et aussi leur interventionnisme, les font détester et désirer en même temps.<br /> <br /> En France, les tentations totalitaires de l'extrême droite et de l'extrême gauche entretiennent un fort sentiment anti-américain et...pro-russe. Poutine est leur homme providentiel!
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