Burkini, islam ou islamiste ?
Il faut avoir une interprétation erronée de la laïcité pour s’en prendre aux femmes en burkini. C’est oublier les attendus mêmes de la laïcité qui garantit le libre exercice du culte et de ses règles vestimentaires. Réaction au catholicisme d’autrefois, cette laïcité matérialiste aujourd’hui, souhaiterait s’imposer. Cependant ce libre exercice particulier est borné par le respect de l’ordre public, garant de la liberté de tous. Le trouble de l’ordre public n’étant pas avéré, le Conseil d’état cour a annulé les interdictions municipales du port de cet habit sur les plages. Mais, le port du burkini est-il un comportement neutre ? Une simple façon de respecter les dispositions d’un culte, où cache-t-il une intention de prédication violente, fautrices de troubles ? Je dis que la seconde hypothèse est la vraie. Est-ce un procès d’intention que je fais ? Certes oui, si l’on en croit les personnes arborant ces tenues. Mais je dis que ces femmes n’avoueront jamais des intentions hors-la-loi, tant qu’elles ne contrôleront pas la loi. Un autre procès d’intention ? Certes oui, en l’absence d’informations sur leurs familles et les milieux dont elles sont issues. Mais si on se donne la peine de se brancher sur YouTube pour écouter ceux qui encouragent le burkini, sans grandes surprises ce n’est ni Malek Chebel, ni Richard Benzine, mais une flopée de jeunes salafistes exaltées, qui dégobillent leur haine de tout ce qui n’est pas eux, socialement et politiquement, et leur mépris des femmes, maquillé par leur souci d’en protéger la vertu.
Il existe certes des femmes qui de leurs propres choix, en France ou ailleurs, croient que la tenue islamique les libérerait, lèveraient l’interdiction qui leur est faite par leurs coreligionnaires tatillons de participer à la vie publique. En soustrayant aux hommes leurs atours, elles éviteraient de provoquer un rut généralisé. Curieuse distinction morphologique des femmes et sensibilité des hommes, quand en Algérie par exemple, il suffit de se cacher les cheveux, alors qu’en Arabie Saoudite la seule vue d’une main en chair est objet de désordre hormonal chez les hommes ! D’ailleurs en Égypte on le voit bien, le voile ou la burka ne retiennent pas les mains baladeuses des hommes. Plus grave encore, est cette fausse liberté prétendument acquise par la soumission au code vestimentaire. En Iran par exemple, alors que sous le Chah les femmes ne jouaient aucun rôle dans l’espace public, la révolution islamique, en les recouvrant de noir, les a autorisés à sortir de chez elles, à s’instruire et à travailler. Une avancé certes, mais de courte durée et portée. Elles sont encore tout autant soumises au régime patriarcal qui les considère inférieurs aux hommes et interdites de multiples activités. En définitive, elles participent à la croissance du pays sans avoir tous les bénéfices de leurs efforts, dont l’égalité des droits et l’autonomie complète. Elles expriment aujourd’hui ouvertement le refus de cette mystification. Il suffit de lire la presse iranienne ou de se rendre dans ce pays pour s’en rendre compte. Il est comme même paradoxal qu’en Arabie Saoudite, des femmes courageuses réclament le démantèlement des carcans qui les enserrent, alors qu’en occident où ils en existent si peu, certaines demandent le contraire !
Le fond de la question reste le statut de la femme en Islam, son statut de tentatrice qu’il faut noyer sous des voiles, et l’inégalité de son rang par rapport à l’homme.
Que dit le Coran à ce propos ?
Pour la femme tentatrice, dans la Bible il est dit que c’est Ève qui séduit l’homme pour le pousser à la faute et à gouté au fruit défendu par Dieu de la Vérité. De là cette faute portée par la femme en particulier, par l’entremise de son pouvoir diabolique de tentatrice. En Islam, rien de pareil. L’histoire d’Adam et Ève est reprise, à la différence que l’homme et la femme ont ensemble gouté au fruit défendu et le thème de la séduction en est totalement absent (1). Serait-ce pour corriger les conséquences désastreuses pour l’image de la femme que le Coran a omi le pouvoir corrupteur maléfique de la femme ? Pourquoi alors, doit-t-elle porter le voile ? Ce voile d’ailleurs qui doit dans le Coran couvrir la poitrine et non pas la tête (2). Revenons aux pratiques préislamiques ou les prostituées se déplacés librement pour offrir leurs services. Le voile est souhaité, alors pour distinguer les femmes de vertus des autres, et leur éviter un quelconque embarras, et non pas comme un signe de leurs maléfices. Les temps ont changé certes, mais ne peut-on pas dire qu’aujourd’hui encore, une femme légèrement vêtue ne provoquerait pas l’émoi des hommes ? Le raisonnement est également valable pour un homme. Dans les sociétés les plus libertines, on n’a pas encore autorisé le nudisme dans l’espace public. On a simplement repoussé les limites de la décence sans l’éliminer. Son principe est toujours d’actualité. De plus comme aujourd’hui dans ces mêmes sociétés, les hommes et les femmes obéissent aux mêmes règles de la décence, le Coran lui également exigeait la vertu autant de l’homme que de la femme « Dis aux croyants de baisser leurs regards, d’être chaste… » (2). Nulle part de distinction, nulle part un gène licencieux particulier aux femmes.
Quant au statut inférieur de la femme, les tenants de cette thèse se reportent sur les versets qui déclarent que le témoignage d’un homme vaut celui de deux femmes et que les filles ne reçoivent en héritage que la moitié de la part d’un homme. La raison invoquée pour demander le témoignage de deux femmes est que la première peut se tromper (3). Est-ce que l’homme ne se trompe jamais ? Peut-on en déduire donc que la femme parce qu’elle peut se tromper lui est inférieure ? Ensuite pour la demi-part d’héritage accordé à l’homme, le Coran avance la raison suivante « …à cause des dépenses qu’ils font pour assurer leurs entretiens… » (4). Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Est-ce un signe d’infériorité qu’un musulman qui assumerait aujourd’hui parce que sa femme est la source du revenu du couple ? Voyons ce que dit le Coran sur le statut de l’homme de la femme, et là sans avancer une explication circonstancielle ou un état de fait qui peut changer « …de celui qui, parmi vous, homme ou femme, agit bien, vous dépendez les uns des autres… et les croyants et les sont amis les uns des autres. Ils ordonnent ce qui est convenable, ils interdisent ce qui est blâmable…» (5). Même qu’il ajoute en parlant des femmes vertueuses « …elles préservent dans le secret ce que Dieu préserve… » (6). Voilà ce qu’il faut retenir et ne change pas. Il faut savoir que le Coran a été une révolution dans les pratiques sociales par rapport à l’aire qui la précédé. Cette révolution habite l’ensemble du texte et est un appel à la poursuivre, selon les circonstances, sauf pour certains dogmes comme ceux que je viens d’évoquer. Il est une révolution particulièrement en tout ce qui touche aux femmes. Il a instauré la contractualité du mariage en donnant des droits aux femmes qu’elles n’avaient jamais eues au paravent. Et il n’a pas lié le respect de ce contrat à une quelconque juridiction, pour en rendre les obligations qu’ils comportent indépendantes des vicissitudes de l’histoire. Les hommes de religions ce sont appropriés cette fonction juridique sans en avoir été désigné par le législateur divin. Ce détournement leur a permis de créer un corpus de lois qui leur permet de réduire les droits des femmes (sur le droit de divorcer, la garde des enfants, de voyager, etc..) en connivence avec l’esprit machiste de leurs sociétés et en contradiction totale avec le Coran.
Cette vision négative des femmes, c’est fait sur de longs siècles, au point que, la contredire demande aujourd’hui, non pas des arrangements, mais une véritable rupture. Pour cela, il faut relire le Coran et ne plus se contenter ou se complaire dans la fausse assurance qu’apporte les interprétations falsificatrices du texte.
Amine Issa
16/10/2016
1- Coran, VII 19 à 22.
2- Coran, XXIV-30.
3- Coran, XXIV-31.
4- Coran, IV-34.
5- Coran, III-195 & IX-71.
6- Coran, IV-34.