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citoyen libanais
1 janvier 2017

La classe moyenne, les pauvres et Donald Trump : Qu’ils mangent des biscuits.

Source: Flickr

Donald Trump a promis de redresser l’économie américaine et d’augmenter le pouvoir d’achats laminé des classes moyennes et des plus pauvres. Son programme se décline en quelques idées-forces. Réduire les taux d’imposition pour tous les niveaux de revenus, rapatrier l’industrie manufacturière aux États-Unis, rétablir l’équilibre de la balance commerciale par l’augmentation de droits de douane, surtout pour les produits chinois, réduire l’intervention de l’état, alléger sinon annuler les régulations sur les services financiers et l’exploitation des énergies fossiles. Pour le seconder, il a choisi les membres de son cabinet en dehors de « l’establishment » de Washington, corrompu, incompétent, de mèche avec Wall Street.

Le langage fleuri, méprisant et autoritaire du président, son inexpérience en politique et dans la gestion de l’état, l’opacité de ses affaires, sa xénophobie et son racisme latent, sont pour beaucoup suffisants pour présager un échec. Certes, cette attitude n’est pas rassurante, mais elle ne permet pas de conclure. Il faut un argumentaire différent pour oser des prévisions.

L’économie américaine est-elle si mal en point ?

Je commencerai par un état des lieux de l’économie américaine. Puisqu’il faut toujours un point de référence, j’ai choisi celui de la crise de 2008 qui coïncide avec l’élection de Barack Obama, sa politique économique dont Donald Trump veut démonter les principales dispositions, responsable à son avis du déclin de l’Amérique qu’il veut rendre « grande à nouveau ».

Après deux années de récession, le PIB a connu une croissance molle, mais constante (2015, plus 24.6% par rapport à 2007). Le bénéfice des entreprises privées est passé de 1050 milliards en 2007 à 1600 en 2016. Le déficit du budget après s’être creusé en 2010, atteignant 8.7% du PIB, s’est redressé progressivement et a retrouvé son niveau de 2008, soit 3.2%. Le chômage, après avoir atteint 10% de la population active, est retombé à 4.6%. En 8 ans on estime que le pays a créé entre 9.3 et 13.6 millions de nouveaux emplois (sous les deux mandats de Georges W.Buch 1.3 millions, c’est-à-dire 7 à 10 fois moins). La productivité a augmenté de 10%, en 2015, 3.5 millions d’Américains sont sortis de la pauvreté (la chute la plus importante depuis 1968) et à la fin de 2016, sur les 41 millions d’Américains non assurés, 20 millions l’étaient grâce au Affordable Care Act entré en vigueur en 2013. Le président Obama a également décidé d’augmenter le salaire horaire minimum de deux millions de contractuels du gouvernement fédéral, pour le faire passer de 7.25 dollars (bloqué depuis 2007) à 10 dollars.

La face sombre du tableau, montre ce qui suit : La dette des États-Unis est passée de 10 milles milliards de dollars (2009) à 19 milles milliards (2016). En cause la récession, les programmes sociaux, le nombre de chômeurs qui avait doublé, le sauvetage des banques et des entreprises et le service de la dette quand l’état est parfois obligé d’emprunter pour honorer une échéance. Ensuite, les pertes d’emplois dans l’industrie manufacturière. Ce mouvement de déclin a commencé en 1970, avec un pic en 2001, date de l’entrée de la Chine à l’OMT. On est passé de 17 à 12 millions de travailleurs. Plus grave encore le revenu médian des ménages, malgré une remontée continue, reste en deçà de 1.6% de ce qu’il était en 2007 et le coefficient d’inégalité Gini ne s’est rétracté que légèrement. Il y’a encore aux États-Unis 43 millions de pauvres, mais qui sont plus optimistes quant à la possibilité d’en sortir.

Que propose Donald Trump pour sauver les classes moyennes et pauvres.

Revenons aux mesures phares qu’il annonçait :

1-l’élite corrompue de Washington.

Il avait, lors de sa campagne, critiqué les lobbyistes qui phagocytaient l’administration et le Congrès pour faire avancer les secteurs qu’ils représentaient au détriment des intérêts des Américains. Voici que trois d’entre-deux, Jeffrey Eisenach, Michael Catanzaro et Michael Torrey, lobbyistes pour les secteurs des télécommunications, de l’énergie pétrolière et l’industrie alimentaire, font partie de l’équipe de transition du président élu.

2-Les voleurs de la finance.

Donald Trump s’en était pris aux financiers, les gérants des fonds d’investissements (hedge funds) déplorant qu’ils soient restés impunis « Getting away with murder », « Ils font fortune, ne payent pas de taxes, c’est ridicule ». Il s’en prend particulièrement au directeur exécutif de Goldman Sachs qui personnifie une élite qui a « volé notre classe de travailleur » et à George Soros, un autre grand financier. Et voilà que son premier conseiller Steve Banon et le secrétaire au Trésor, Steven Munchin, sont des anciens de chez Goldman Sachs, Munchin ayant réussi le pari d’avoir aussi travaillé également pour George Soros. Mais ces deux nominations ne semblaient pas suffire au président élu pour se faire excuser auprès des « voleurs ». Il nomme pour diriger le Conseil National Économique, Gary Cohn, le numéro deux de Goldman Sachs ! Est-ce un hasard que depuis l’élection de Donald Trump, de Goldman Sachs a fait un bon d’un tiers de sa valeur ? Steven Munchin, va dès sa nomination, présenter des gages. Il veut démanteler ou alléger la réglementation Dodd-Frank instaurée après la débâcle de 2008, et particulièrement une disposition appelée la « Volcker Rule » qui interdit aux banques d’effectuer des investissements spéculatifs à haut risque. Son argumentaire est digne d’une leçon magistrale d’économie « Je dirais que le problème numéro un de la règle Volcker est qu’elle est très compliquée et que les gens ne savent pas comment l’interpréter ». Voilà qui a dû flatter les financiers issus des plus grandes universités ! Cela va également soulager la « classe de travailleurs » qui en souscrivant aux « subprimes » se sont retrouvés par millions ruinés du jour au lendemain.

 

3-La réduction des taxes et impôts.

Barack Obama n’avait pas renouvelé les réductions d’impôts aux bénéficiaires des revenus les plus hauts instaurés par son prédécesseur. Les sommes additionnelles récoltées ont contribué aux programmes sociaux du président sortant. Donald Trump a promis des baisses qui toucheraient l’ensemble des tranches de revenus, dont celles des classes moyennes et pauvres. Pour les hauts revenus, l’impôt passerait de 39.6% à 33. Pour l’ensemble et les revenus moyens et bas, voici ce qu’il propose. Annuler l’impôt sur les successions qui porte le doux nom de « death tax ». Il faut savoir que cette taxe ne touche que les successions dépassant 5.45 millions de dollars pour un individu et le double pour un couple marié, c’est-à-dire au seul bénéfice des détenteurs de grand patrimoine. Sur les réductions d’impôts pour toutes les tranches de revenus, les calculs de la Taxe Foundation, on déduit que la révision de l’ensemble des fourchettes de revenus imposables et les réductions annoncées, augmenteraient le revenu des classes moyennes de 0.2% et de 5.3% pour le 1% des Américains les plus aisés. Une autre proposition est de consentir des déductions d’impôts sur les frais encourus pour les ménages pour élever leurs enfants. Après calculs et estimations, les premiers bénéficiaires seraient les ménages gagnants 500,000 dollars (3,960 dollars) alors qu’une famille gagnant 50 000 dollars n’économiserait que 1,500 dollar et les familles gagnants encore moins n’économiseraient rien puisqu’elles ne sont pas ou presque pas imposées.

4-Réduction des tentacules de l’état.

L’antienne des conservateurs est reprise sans surprise par Donald Trump. Certes pour sauver des millions d’Américains et les banques, Barack Obama s’était montré extrêmement généreux avec la dette et le déficit budgétaire. Mais les performances d’une économie ne se mesurent pas sur une année ou deux et l’on a vu que la tendance était à la réduction du déficit une fois que la croissance se rétablissait et que le chômage et donc les bénéficiaires des aides de l’état se réduisaient. Le nouveau président veut aller plus vite dans la réduction des déficits. Un des programmes est celui de l’aide au logement qui depuis 2010 a permis à un cinquième de ceux qui n’en avaient pas, de s’abriter. Mais il reste 64 000 familles sans domiciles fixes. Un budget de 11 milliards sur dix ans était prévu par Barack Obama pour les loger. Le sort de ce programme est désormais entre les mains Ben Carson nommé au ministère de l’habitat et de l’urbanisme. Il n’a jamais caché son aversion pour ceux qui comptent sur l’aide de l’état et s’ils sont sans domicile « c’est parce qu’ils ne font rien pour en avoir ». Avec le retour probable de la spéculation immobilière, le mouvement des classes moyennes des centres-villes devenus trop chers vers les banlieues va encore s’accélérer, entrainant un surcroît de frais de transport, d’heures perdues et de stress dû au temps de transport plus long vers leurs lieux de travail, sans compter la perte de productivité par travailleur.

L’état fédéral ne devrait s’occuper que de ce qui est strictement de ses attributions souveraines, c’est-à-dire les grands travaux d’infrastructures, que Barack Obama a négligés pendant ses deux mandats. Steve Bannon, le « Chief Strategist » de Donald Trump a annoncé des travaux pour trois mille milliards de dollars. Sauf qu’il propose de privatiser les nouvelles infrastructures. Pour un projet coutant 1 milliard de dollars, les entreprises seront autorisées à emprunter 800 millions sur le marché et d’apporter 200 millions en fond propre. Mais sur les 200 millions dollars, ils bénéficieront de 86% d’exemption de taxes, c’est-à-dire qu’ils ne payeront en fait que 28 millions, le reste étant donc financé par le contribuable. Si l’état entreprenait lui-même les travaux, la somme serait égale. Sauf que le peuple américain resterait propriétaire de ces infrastructures et bénéficierait de leurs revenus, ce qui n’est pas le cas dans le schéma de Banon. Il n’y a plus que d’indécrottables collectivistes qui s’opposent par principe à toute privatisation. Mais le rôle des lobbys aux États-Unis et l’entrée à la maison blanche de milliardaires, laissent présager toutes sortes de conflits d’intérêts et de tolérance sur la non-conformité aux cahiers de charges.    

5- Rapatrier les usines à la maison.

On l’a vu plus haut, l’industrie manufacturière est en constante rétraction. La faute en est aux délocalisations vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère. Donald Trump, en voulant dénoncer les accords de libre-échange, en haussant les droits de douane à l’entrée, veut redonner du travail aux Américains et revaloriser leurs pouvoirs d’achat. Pour piloter ce retour il a choisi comme je l’ai cité Steven Munichen au trésor, Willbur Ross au commerce et Carl Icahn comme conseiller pour les régulations économiques. Tous les trois milliardaires, ils ont fait leurs preuves dans le rachat de compagnies en difficultés, les assainissant et les revendant à profit. Ce genre d’opération se solde généralement par des licenciements massifs, des baisses de salaires et parfois des démantèlements des compagnies. Ross est affublé du sobriquet « roi des faillites ».

Mais qu’en est-il vraiment des salariés du secteur manufacturier. Certes les Américains n’ont pas encore retrouvé leur pouvoir d’achat de 2007. Dans l’industrie automobile, le salaire horaire a chuté de 18.35 dollars en 2003 à 15.83 en 2013, mais il reste encore deux fois plus élevé que le salaire minimum (7 dollars) et sur l’ensemble du secteur manufacturier le salaire moyen, augmenté des allocations, est de 37.71 dollars. De plus, L’Association National Manufacturière estime, que d’ici dix ans 3.5 millions de postes ne trouveront pas de preneurs ! C’est bien simple les jeunes Américains ne veulent plus des travaux peu qualifiés en usine. 

Cela nous amène à la question de la relocalisation des usines et la hausse des droits de douane. Donald Trump a révélé à la presse qu’il avait appelé Tim Cook, le patron d’Apple pour lui demander de rapatrier la fabrication de l’IPhone aux États-Unis. Il a essuyé un refus poli. Pourtant le président lui avait fait miroiter qu’il allait réduire l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 35% à 15%. Ce taux élevé avait poussé beaucoup de sociétés à déclarer leurs bénéfices dans d’autres pays. Apple a promis de rapatrier ses bénéfices, mais pas sa production. Pourquoi ? Le taux d’imposition n’est pas seul en cause. On a vu plus haut que les bénéfices des sociétés étaient en hausse continue et payer plus de taxe ne déstabiliserait pas les entreprises rentables. Waren Buffet, un des Américains les plus riches au monde, l’a toujours soutenu. C’est non, parce que c’est simplement impossible. Apple se fournit à l’étranger auprès de 766 fournisseurs pour les composantes de ses téléphones, fournisseurs qui emploient 1,6 million de personnes. Ni ces fournisseurs n’ont leurs équivalents aux États-Unis ni le personnel qui produit ces composants. De plus le circuit de fabrication est tellement complexe et réparti sur tout le globe, qu’il est désormais impossible de le concentrer dans un seul pays. À l’autre extrémité de la taille des industrielles, un petit fabricant de chaises de bureaux qui emploie 40 ouvriers se fournit pour ses composantes en Chine, en Hongrie et en Allemagne. Il annonce que des droits de douane de 45% imposés à la Chine, comme le souhaite Donald Trump rendrait ses chaises invendables aux États-Unis. Barack Obama s’était essayé à ce jeu en 2009. En accusant la Chine de subventionner la fabrication des pneus, il avait augmenté les droits de douane sur leurs importations. Au résultat les fabricants de pneus aux États-Unis ont sauvé 1200 emplois. Mais le surcout payé par les consommateurs a été de 1,1 milliard de dollars, entrainant une baisse des ventes et la perte de 2500 emplois dans le commerce des pneus !

Si la délocalisation entamée au début des années soixante-dix est la première à avoir causé le recul de l’emploi manufacturier dans l’ancien et le nouveau continent, si la Chine se montre déloyale dans sa politique de prix, aujourd’hui il est une cause plus essentielle qui provoque des pertes d’emplois. Car comment expliquer que si depuis 1970, 5 millions d’emplois ont été éliminés de façon continue, la valeur des produits industriels des États-Unis est passée de 1700 milliards de dollars en 2009 à 2200 milliards de dollars en 2013 ? À cela deux explications liées, la robotisation et l’éducation, donc un gain de productivité. De plus en plus, les tâches répétitives sont effectuées par des robots qui sont fabriqués, actionnés, maintenus et réparés par des ouvriers qualifiés. Et si la robotisation détruit des emplois elle en crée d’autres et augmente le revenu général d’un pays. Ainsi en Allemagne dans l’industrie automobile les embauches ont augmenté à un rythme plus élevé que celui de l’installation des robots. Comment cela ? Les réductions de coûts ont permis de proposer des options et des personnalisations des véhicules, par l’intervention d’ouvriers spécialisés, sans augmentation du prix final. De plus la baisse des coûts a permis de mieux développer les services commerciaux et d’après-vente en créant de nouveaux postes. Mais alors que sont devenus les ouvriers licenciés ? Des programmes de formation continue leur permettent de remplir les nouveaux emplois proposés. Certes la transition est difficile et le résultat au final ne peut être garanti. Mais des exemples démontrent que c’est possible. Qui plus est, les gains de productivité peuvent être partagés et permettre une meilleure revalorisation de beaucoup de métiers de proximité, comme le service aux personnes ou les commerces de proximité qui tous recréent le lien social.

Je me résume. La relocalisation totale de l’industrie est une illusion, il faut former les demandeurs d’emploi aux nouveaux métiers. Pour mener cette transition, Donald Trump a choisi deux multimillionnaires, Andrew F. Puzder au ministère du Travail et Betsy DeVos à l’éducation. Le premier, qui dirige des franchises de Fast-Food, est au fait de la révolution robotique et l’encourage. Mais les raisons qu’il avance le sont moins, du moins pour les travailleurs. « Les robots sont toujours polis » dit-il « Ils ne prennent jamais de vacances et n’arrivent jamais en retard ». Il a fortement critiqué la hausse du salaire minimum et les congés maladie. Le président élu, lui, a directement attaqué par un tweet le président du syndicat des ouvriers de la métallurgie, l’accusant par ses demandes de hausses de salaire de pousser les industriels à se délocaliser. Andrew F. Puzder demande également l’annulation pure et simple de l’Affordable Care Act. Pourquoi ? Parce que l’argent que les citoyens paient pour leurs primes d’assurance les prive d’aller au restaurant ! La malbouffe de ses restaurants préférés aux soins ! Cette malbouffe qui ne fera qu’augmenter les maladies cardio-vasculaires, première cause de décès et alourdir la facture nationale de santé. Les travailleurs apprécieront. D’ailleurs pour remplacer l’Affordable Care Act, le président élu a choisi le député Tom Price pour le ministère de la Santé. Il a déjà son propre plan qui prévoit des déductions d’impôts pour l’achat d’assurance, ce qui est positif. Mais par contre, il voudrait autoriser des consultations privées entre les patients et les médecins travaillant pour le compte de Medicare, l’assurance maladie fédérale pour les plus de 65 ans. Cela voudrait dire des soins publics au rabais et une médecine de qualité en privé. Également il prévoit des primes supérieures aux patients ayant un passif médical, ce que le programme du président Obama avait interdit.

Revenons aux robots. À moins de vouloir en ignorer les avantages, tant pour la productivité, que la souplesse de la gestion des commandes, l’annulation de tâches pénibles, dangereuses et abrutissantes, il serait absurde de ne pas y recourir massivement. Même la Chine, qui possède une rente humaine qu’elle exploite honteusement, malgré son retard par rapport à la moyenne mondiale du parc de robots, est le pays qui en installe le plus. Comme je le signalais plus haut, il faut répondre aux défis des emplois perdus. Cela passe par l’éducation, la formation continue et un filet de sécurité pour les pertes de revenus. Comme le dit Jean Tirole, prix Nobel d’économie, il faut, dans cette phase transitionnelle protéger le salarié et non pas le travail, il entend par là les métiers condamnés à disparaitre. Pour cela il existe par exemple un programme d’assurance de revenus qui permet aux salariés déclassés de garder leurs niveaux de vie. Il y’a aux États-Unis, un programme fédéral le Trade Act Program(TAA), qui permet aux salariés de plus de cinquante ans de conserver le même salaire. Il y’a fort à parier vu les dispositions du nouveau ministre du Travail et ceux de l’ensemble de l’administration qui veulent réduire à la hache les programmes sociaux, que non seulement le TAA ne soit étendu, mais tout simplement annulé.

6-L’instruction et la formation.

Pour l’éducation et la formation la républicaine Betsy DeVos, sera en charge. Dans son état du Michigan, elle a pendant trente ans milité et financé des campagnes pour transfert les aides de l’état aux écoles publiques vers une aide aux familles pour s’inscrire dans des écoles privées, souvent religieuses. Également elle a été la championne du combat contre les syndicats d’enseignants. Au finale, son état compte la plus grande proportion d’écoles privées, dont 80% sont à but lucratif. Encore une fois, aucun mal par apriori, sauf que le niveau de lecture et des mathématiques dans son état est en recul depuis deux décennies et les résultats d’apprentissage de la plupart des écoles privées sont en dessous de la moyenne nationale. C’est dans cet esprit que Betsy DeVos va devoir affronter le défi de la formation des ouvriers aux chômages. Déjà le programme TAA ne reçoit que 0.1% du PIB pour ce poste de dépense, comparé au 0.8% de l’Allemagne et des 2.3% du Danemark. Je vois mal la nouvelle ministre augmenter ce budget. Un de ses collègues républicains, Scott Walker gouverneur du Wisconsin a déjà donné l’exemple. Réduisant les impôts pour les hauts revenus et celui des sociétés pour encourager les investissements et l’emploi, il a réduit l’enveloppe destinée aux écoles. Malgré cette économie, le déficit du budget de son état s’est creusé, et il a dû hausser le taux de la TVA dont les premières victimes ont été les classes moyennes et pauvres. De plus si les entreprises existantes ont profité de ces réductions et ont de nouveau embauché des travailleurs, très peu de nouvelles entreprises ont été créées malgré une fiscalité attractive, à cause du niveau d’éducation et de formation qui s’est dégradé. L’on sait déjà quel est le fardeau financier des études universitaires aux États-Unis pour les étudiants. En 2015 deux tiers des étudiants ont terminé leurs cursus alourdits d’une dette moyenne de 35,000$, ce qui décourage les familles aux revenus faibles d’envoyer leurs enfants dans les universités. Hillary Clinton avait proposé de rendre l’université gratuite pour les enfants des ménages gagnants moins de 120,000$ par an. Ce n’est pas Donald Trump qui reprendra cette initiative. Rappelons-le, possédant lui-même une université privée, il a été poursuivi en justice par des étudiants, qui, forts du témoignage des employés de l’établissement, l’accusaient d’avoir utilisé le harcèlement comme méthode de promotion de l’université et d’employer des professeurs non qualifiés. D’abord rejetant les allégations en bloc et poursuivant lui-même les étudiants pour accusation mensongère, il a fini par accepter un arbitrage qui le condamne à payer 25 millions de dollars dont un million à l’état pour avoir violé les lois de celui-ci.

Tout ce qui précède, annonce ce qui suit. Pour l’industrie de haute technologie, les postes continueront d’être réservés à ceux qui peuvent les payer très cher. Ceux qui s’endettent accepteront les salaires que l’on leur proposera, de peur de ne pas pouvoir payer leurs traites. Les programmes de formation des bras devenus inutiles ne seront pas suffisants pour remplacer les licenciés et beaucoup de postes resteront vacants. Pour les tâches pénibles et répétitives, dans l’industrie et les services, il y’a de moins en moins de candidats américains. L’image d’Épinal des années soixante ou une blonde en mini-jupe servait des hamburgers dans les drive-in, n’est plus qu’un souvenir. Et si on trouve encore des « petits blancs » dans les fast-foods, ce sont souvent des étudiants qui travaillent la nuit pour payer leurs études le jour, avec tout ce que cela a comme effet négatif sur leurs capacités cognitives. Les seuls véritables preneurs pour ces métiers sont les bras inutiles cités plus haut et surtout les travailleurs immigrés, souvent illégaux, que Donald Trump veut renvoyer !

7-Les hydrocarbures avant tout.

Cette croisade contre l’économie productive américaine et particulièrement l’industrie, dont Donald Trump s’est annoncé le champion, est sélective. Au détriment d’une industrie de l’innovation, il va favoriser celles de l’extraction des matières premières, ce qui est la particularité des économies de rentes telle la Russie, le Venezuela et les monarchies du Golf, toutes connues pour leurs fragilités. Voilà ce qui explique certains de ces choix stratégiques dans les nominations. Donald Trump veut faire des affaires et vite. Son indifférence pour la nature des régimes avec qui il va traiter ne connait de limite que le temps qu’il faut pour accélérer l’expansion de l’énergie fossile et de ses répercussions sur cette industrie aux États-Unis. C’est pour cela qu’il préfère s’étendre avec Vladimir Poutine, un autocrate sans état d’âme, qu’avec le régime iranien, aussi autocratique, mais enchainé par des limites idéologiques. De plus, la réconciliation avec l’Iran est un processus lent vu le passif douloureux entre les deux pays et ne convient pas à un objectif de rentabilité immédiate. Ensuite, comme tout populiste, Donald Trump a besoin d’un ennemi. Il ne peut se réconcilier et avec l’Iran et avec la Russie, la Corée du Nord ne fait pas le poids et le contentieux qui s’envenime, au nom de la protection de l’industrie manufacturière avec la Chine n’est pas suffisamment politique pour mobiliser les « petits hommes blancs », il faut du sang. De là le choix de deux ministres et de trois directeurs d’agence. Rick Perry, ancien gouverneur du Texas, état pétrolier, est nommé au Département de l’énergie qu’il avait annoncé lors de sa campagne présidentielle de 2001, voulait abolir ! Scott Pruitt, ancien procureur proche de l’industrie d’extraction d’énergie fossile, a été désigné à la tête de l’Agence de la Protection de l’Environnement. Les deux ne croient pas que le réchauffement climatique est dû à l’action humaine. Pruitt veut comme Donald Trump se retirer de l’accord sur le climat (cop21) et considère la politique de Barack Obama, the Clear Power Plan, comme une « guerre contre le charbon ». Perry lui, affirme que le changement climatique est une « ruse » inventée par les Chinois. Ce n’est pas son collègue Peter Navaro, opposant farouche à la Chine, désigné a la tête de l’organisme de surveillance de la politique commerciale et industrielle qui le contredira. Et devant la quasi-unanimité des scientifiques sur la question, Pruit déclare à un physicien « Vous pouvez transgresser une loi physique, mais seulement pour un temps » ! Complotite, remise en question de vérités scientifiques démontrées, des traits des systèmes populistes, qu’on retrouve également chez Michael Flyn (http://www.nytimes.com/2016/11/18/us/politics/michael-flynn-national-security-adviser-donald-trump.html) nommé à la tête du Conseil National de Sécurité. Général à la retraite, convertit dans le conseil, il compte parmi ses clients des sociétés russes et dine en compagnie de Vladimir Poutine. Rex W. Tillerson sera aux affaires étrangères. PDG du géant Exxon Mobile, le nouveau secrétaire du département d’État est certainement un fin négociateur et un connaisseur des équilibres géostratégiques, mais sous l’angle évidemment des intérêts de l’industrie des hydrocarbures. Il déclarait en 2008 « La Russie doit améliorer son système juridique, il n’y a pas de respect de la loi en Russie aujourd’hui ». Y ‘en a-t-il plus aujourd’hui ? Vraisemblablement puisqu’il a accepté d’être décoré de l’Ordre de l’Amitié russe en 2013 et que les investissements de Exxon Mobile dans ce pays se chiffrent en milliards de dollars. Enfin, Mike Pompeo, à la CIA, un représentant républicain de l’aile dure du parti, connue pour ses critiques virulentes contre l’Iran. Il été le PDG de Sentry International une société d’équipement de forages pétroliers.

8-L’industrie de l’innovation au second plan.

Quelles seront les conséquences d’une réconciliation avec la Russie et une confrontation avec la Chine et l’Iran ? Pour la Russie, comme je l’ai indiqué, les intérêts immédiats sont clairs. S’il est bon de menacer la Chine de mesures de rétorsion pour quelle ne manipule pas sa monnaie, la menacer de hausse de tarifs douaniers pour rapatrier la fabrication aux États-Unis est un coup d’épée dans le pied et non dans l’eau. Comme je l’ai déjà expliqué, les effets négatifs immédiats de la délocalisation sont derrière nous, la mondialisation de la production d’un même produit est irréversible et la robotique est la seule réponse adéquate. Rapatrié aux États-Unis, des usines demandant une main-d’œuvre peu qualifiée, est non seulement impossible, mais nuisible. Non seulement les américains ne veulent plus y travailler et les immigrés qui le souhaitent doivent être expulsés, mais les prix des produits de consommation courante monteraient en flèche, ce qui heurtera en premiers lieux les classes moyennes et pauvres. L’Allemagne qui a peut-être la politique industrielle la plus intelligente des pays de l’OCDE, a compris qu’il était inutile de battre contre des moulins à vent. Le fabricant de chaussures Adidas, une des marques de l’excellence allemande, avait fermé sa dernière usine en Allemagne en 1993. Il va en rouvrir une nouvelle en 2017 en Allemagne, sauf quelle sera totalement robotisé et produira des chaussures au même prix que celles produites en Chine.

L’Amérique de Donald Trump n’est prête à aucune concession à l’Iran. Encore une fois c’est des intérêts sectoriels qui dictent la politique du président. Comme je l’ai dit, il veut favoriser le secteur des hydrocarbures d’où plusieurs de ces nouveaux ministres sont issus, dont le secrétaire d’État. Or en Iran, la place est déjà prise. Le Français Total et l’Italien Eni et d’autres acteurs moins importants assurent les besoins de l’Iran, contrairement à la Russie qui, boycottée par l’Europe se tourne vers l’Amérique. Ceci étant dit, le président ne voit pas plus loin que les foreuses de pétroles. Il critique Boeing de vouloir surfacturer l’Air Force One, l’avion présidentiel. En menaçant l’Iran de dénoncer l’accord sur le nucléaire, il ne se soucie pas du sort des 80 avions commandés par l’Iran pour 16.6 milliards de dollars et qui doivent créer presque deux cent mille emplois. Ni non plus d’ailleurs des avions destinés à la Chine pour 11 milliards de dollars. La Chine et l’Iran pouvant annuler leurs commandes et se tourner vers Airbus. Il s’en est pris également à Lockheed Martin

 

, le fabricant d’avions de guerre qui surfacturerait le F-35, le meilleur chasseur au monde. Certes il est bon de réduire la gabegie et les complaisances obtenues par les lobbyistes. Mais l’isolationnisme politique de Donald Trump peut laisser présager une volonté de réduire les commandes de l’état pour ces avions. Il est toujours bon qu’un avion de guerre ne soit pas produit, mais il ne faut pas oublier que beaucoup d’avancées techniques pour usage civil ont été faites dans les laboratoires des armées, dont l’internet !

En s’en prenant aux fleurons de l’industrie américaine, Apple, Boeing et Lockheed Martin, ce que son pays fait et exporte le mieux, en voulant couper dans les programmes sociaux et notamment dans ceux de la formation, en chassant les immigrés et obligeant ainsi les Américains privés de travail de pratiquer des métiers dont ils ne veulent plus, il est en train d’affaiblir l’économie de son pays, de paupériser le « petit homme blanc » qu’il a mobilisé pour son élection, sous les vivats abrutis de celui-ci et pour le plus grand bonheur de ses amis milliardaires.

Amine Issa

01/01/2017

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Commentaires
S
Merci pour cette analyse exhaustive de la situation à prévoir avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. C'est effarant. C'est à se demander comment les électeurs américains ont pu être abusés à ce point. Mais la démocratie, comme l'a évaluée Churchill.....<br /> <br /> Peut-on espérer un assagissement? Ou une réaction aboutissant à "l'empêchement"?
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citoyen libanais
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