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citoyen libanais
26 février 2017

Israël dans le Livre

Naftali Bennett, leader du parti national-religieux

Le peuple juif est resté sans patrie pendant deux mille ans. Assimilation incomplète, intégration imparfaite, ostracisé, signalé à la vindicte par le chapeau pointu ou l’étoile jaune, oblation propitiatoire, expulsé, juif errant maudit, jusqu’au seuil de l’annihilation au vingtième siècle. Heinrich Heine dira des juifs qu’ils ont habité non pas un pays, mais un livre, une « patrie portative ». Si comme les chrétiens et les musulmans se sont les gens du Livre, ils n’ont eu, eux, que le Livre. L’on comprend mieux ainsi Beni Levy quand il écrit « Dans le judaïsme, il ne vous est pas demandé de croire, mais de réaliser le mode de vie de la Thora ». On comprend ainsi les centaines de milliers de juifs israéliens dans les Yeshivas, qui consacrent leurs vies à l’étude de la Thora et du Talmud. Littéralistes tatillons qui abhorrent tout contrevenant à la Loi. Mais est-ce que les séculiers qui n’habitent plus le Livre, habitent-ils une nation, Israël ? On l’a pensé à l’époque du romantisme sioniste, qui, dans une même utopie a fondu une communauté religieuse dans un état moderne démocratique et socialiste. Le creuset le plus symbolique de cette nouvelle identité étant le Kibboutz, qui devait réaliser la déclaration d’indépendance dans son article qui stipule « l’égalité sociale et politique entière entre tous les citoyens sans distinction de religion, de race et de sexe ».  Qu’en reste-t-il ?

Je ne reviendrais pas sur la légitimité de la création de l’état d’Israël, c’est un fait historique, comme tant d’autres, qui est entaché d’une injustice faite à un autre peuple, ici les Arabes de la Palestine. Sauf que contrairement aux Indiens d’Amérique du Nord et du Sud et ailleurs, cette injustice n’est pas reconnue, ni réparée et se pratique encore au quotidien pour plusieurs millions de Palestiniens à Gaza en Cisjordanie et dans la diaspora. Or, plus rien ne la justifie. Depuis que les pays arabes lors de quatre guerres ont échoué lamentablement, du haut de leur humanisme, à « rejeter les juifs à la mer  », ils ont admis officiellement ou officieusement l’existence d’Israël. Reste le Hezbollah et le Hamas, qui, s’ils sont une menace, elle n’est pas existentielle et est la conséquence autant, d’une oumma fantasmée pour les deux, que de l’invasion du Liban et du blocus de Gaza.

Une nation, qui au vu du droit international soumet illégalement un peuple et son territoire, ne peut prétendre à l’adjectif de moderne. Israël n’est pas le seul pays, dans ce cas, loin de là. Mais c’est alors le retour à des formes de gouvernance prémoderne, ou la stratification identitaire et statuaire se déploie sur des modes raciaux, religieux, confessionnels, ethniques, tribaux, territoriaux, culturels, héréditaires, etc…

Dans le cas particulier d’Israël, les lignes de fractures sont multiples. Il y a d’abord le niveau territorial et confessionnel. Non pas le territoire de la Terre Sainte, car la distance temporelle avec le royaume d’Israël et de Judée le classe dans l’ordre du mythe immatériel. Je parle des différents territoires d’Europe du Nord, du Sud et du proche et Moyen-Orient dont sont issus les juifs d’Israël, qui coïncident avec les traditions confessionnelles des Sépharades, des Ashkénazes et des Mizrahis. Il y a également le niveau socioculturel qui oppose ceux qui viennent de la dictature soviétique à ceux qui ont vécu dans les démocraties occidentales. Enfin, la différenciation ethnico-raciale qui distingue les juifs éthiopiens et indiens.

Les héritiers des premiers sionistes, venus d’occidents, sont aujourd’hui, au mieux, à l’image de Benyamin Netanyahu, que la soif du pouvoir et le compte en banque fascinent au point de trouver son alter ego dans un Donald Trump qui s’acharne à rétrograder la première et la plus grande démocratie. Au pire, ce sont les colons et leurs porte-paroles, du parti national-religieux.  Ceux qui ont échappé à cette dérive, ont une représentation politique réduite, dont le Haaretz porte le combat et sont relayés aux États-Unis par les juifs libéraux, qui ont très bien compris, et l’expriment, le danger que représente pour Israël, l’amour immodéré que lui porte le nouveau président américain, dont les deux principaux conseillers Steve Bannon et Sebastian Gorka sont notoirement anti-sémite .

Je voudrais parler du second groupe, les nationaux-religieux et les colons, dont le Premier ministre est l’otage. Comment en est-il arrivé là ? Je fais appel à une comparaison avec Anouar El Sadate. Celui-ci pour contrecarrer la gauche égyptienne et les héritiers du nassérisme, à autoriser les Frères musulmans à reprendre leurs prédications, et leur maillage de la société, afin de dénoncer les gauchistes athées. Anouar El Sadate s’affubla lui-même du titre de « président croyant ». Les islamistes finiront par l’assassiner. Benyamin Netanyahu, pour ne pas s’aliéner à la gauche et au centriste israélien, a préféré gouverner avec l’extrême droite religieuse. Ceux-là n’ont pas besoin de l’assassiner, puisqu’il cède à la majorité de leurs revendications.

Les colons, sous le regard indifférent de l’armée, ne se contentent pas d’occuper des terres palestiniennes, ils s’évertuent d’en arracher systématiquement les oliviers parfois centenaires. Ils veulent effacer une mémoire, eux qui ont tant souffert de l’oubli de leur calvaire ; la victime qui devient bourreau. Les nationaux-religieux, dans l’intitulé de leur nom, annoncent une contradiction insoutenable. Il revendique la terre d’Israël, au nom de la promesse biblique, pour bâtir leur nation. L’on pourrait avancer que la France même laïque est une terre de culture chrétienne, comme la Chine de culture bouddhiste ou la Russie de religion chrétienne. Mais dans ces cas et d’autres, il y a eu une continuité historique dans la correspondance entre une terre et une religion, ce qui n’est pas le cas d’Israël. Les nationaux-religieux sont libres de penser que la promesse biblique est intemporelle. Mais cela ne relève-t-il pas de l’utopie politique ? Théodore Herzel le fondateur du sionisme l’avait compris et son premier choix pour le foyer national juif n’était pas la Palestine. Il a fallu la chute de l’Empire Ottoman, les intérêts géostratégiques de l’Angleterre et l’horreur de la Shoah, pour que se concrétise la création de l’état d’Israël. Les premiers sionistes, les fondateurs du jeune état avaient également compris qu’on ne fondrait pas une nation viable sur un mythe. La promesse biblique et la dimension religieuse n’étaient pas à leurs yeux le seul ciment de la nouvelle nation, mais bien la construction d’un état démocratique, moderne et plural. Moshé Dayan, le héros de la guerre des Six Jours, lors de la prise de Jérusalem, réagissait à l’enthousiasme d’un de ses généraux en disant « Pourquoi aurions-nous besoin d’un tel Vatican ? ».

Aujourd’hui le véritable danger pour Israël grandit en son sein. Ce sont ses dirigeants qui rouvrent le Livre pour un troisième exil. 

 

Amine Issa

26/02/2017

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Commentaires
S
Je vais essayer de schématiser ma vision du problème, transformé en impasse. La religion, de part et d'autre, a pris le dessus, et il n'y a aucune transaction possible à l'intérieur d'une religion, ou entre deux religions.<br /> <br /> Malgré leur laïcisme, les premiers combattants sionistes ont puisé leur soutien moral dans les exploits mythiques du Livre de l'Exode. Dès que l'État d'Israël a pris forme et s'est consolidé, les religieux ont rappliqué, en provenance des États-Unis, surtout, et ont entrepris d'installer le judaïsme de stricte observance dans l'État se voulant laïque. D'immigration en immigration, de guerre en guerre, les religieux ont pris plus d'importance et de pouvoir, et fait changer de mains le pouvoir politique, contrôlé, maintenant, par les partis religieux.<br /> <br /> Quant à la partie palestinienne, elle est, à Gaza spécifiquement, dominée pas le Hamas, religieux autant que politique.<br /> <br /> L'impasse est en place, chaque partie invoque....un même Dieu, en principe, mais tenant deux discours opposés.<br /> <br /> De part et d'autre, les laïcs sont interdits d'expression.<br /> <br /> Chaque partie religieuse n'envisage que la guerre, jusqu'à l'élimination de l'autre, "la valise ou le cercueil". C'est ce qui fait que de part et d'autre, les soutiens politiques et militaires ne peuvent, ni pousser au compromis et à la paix, ni déséquilibrer la confrontation, en retirant leur garantie. L'occident, en particulier, a la phobie d'une nouvelle tentative d'extermination, et d'une réplique symétrique de l'État d'Israël.
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S
Je n'ai pas reçu l'annonce de ce billet, dont je n'ai pris connaissance qu'en lisant le suivant. Je vais le relire avant de le commenter.
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citoyen libanais
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