France : mesquinerie, utopie et froideur
Dès le 30 janvier, quand suite à sa convocation par les enquêteurs, François Fillion admît avoir employé et rémunéré sa femme sur le budget de l’état, son camp aurait dû se prononcer clairement. Les vases communicants entre la fonction publique et les proches, ne sont pas inédits en France. C’est bien pour cela qu’on parle de baronnie. Jusqu’à un certain degré ils sont tolérés et largement pratiqués, du moment qu’ils ne représentent pas un vol caractérisé. Reste le principe, au-delà des imprécisions de la loi. Ou l’on s’y tient sans concession ou l’on admet les accommodements. Or, on a assisté à une avalanche de contorsions sémantiques de la part des amis de François Fillion, qui ont révélé leurs petitesses. Au lieu d’avoir une position franche, ils ont, les yeux rivés sur les législatives et leurs fiefs, suspendu leurs positions finales aux frémissements des sondages. Quand ils ont jugé que le candidat des Républicains s’installait durablement en troisième position du premier tour, les défections se sont multipliées, évoquant les assauts insupportables des consciences. Belle leçon de constance et également d’idiotie politique. Elle estropie le candidat le plus répondant aux angoisses identitaires et sécuritaires des Français, sans la démagogie du Front National. Ailleurs, l’angélisme sur ces questions, et la course Hamon-Mélenchon, à qui offrira le programme de dépenses publiques le plus irrationnel, réduisent la gauche au rôle de brailleur décalé.
Le duel en tête est pour le moment ailleurs. D’abord, Marine Le Pen, dont la candidature n’est pas une anomalie. L’extrême droite a toujours existé en France. Elle a connu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale son plus fort étiage, au vif souvenir des horreurs du fascisme. Mais le temps est l’ennemi de la mémoire, surtout quand il a pour allié un ébranlement de toutes les certitudes et des repères. Ceux-là sont perturbés par le terrorisme islamique, la crise économique et les flux migratoires. Face à la mondialisation, l’élite politique fonctionnarisée, dans l’hexagone et à Bruxelles, à démissionner de son rôle d’accompagnement réflexif de cette révolution. Si bien que, les dysfonctionnements de celle-ci, parce qu’ignorés, en ont gravement entamé les accomplissements. Ainsi, Marine Le Pen a beau jeu de vendre des assurances, mêmes toxiques.
Reste, l’inclassable Emmanuel Macron. Je lui donne ce qualificatif parce qu’en Occident, le clivage gauche-droite reste un moyen de se positionner quand le sol bouge, alors que cette polarisation n’a plus le sens tranché et explicatif d’autrefois. Le capitalisme sauvage et l’utopie communiste, même s’ils ont encore des partisans, sont également condamnés et dénoncés. L’un pour son injustice, l’autre pour son irréalisme. C’est aussi vrai pour leurs déclinaisons moins tranchées, le libéralisme et le socialisme, et désormais inopérants. C’est à cette intersection, ou l’entrepreneuriat et la réussite ne sont plus l’antinomie de la solidarité, que se tient Emmanuelle Macron. Si cette formule est celle de l’avenir, il ne la présente que de façon mathématique. Le candidat d’« En marche ! » ne fait pas rêver et je ne sais même pas s’il est conscient de la part de rêve que doit comporter son programme, comme tout autre. Un rêve qui doit s’adosser nécessairement sur des valeurs communes qui créent le lien social.
Si mon constat est vrai, c’est un lapin qui sortira des urnes. Attendons, et oublions les sondages.
Amine Issa
12/03/2017