Paris, mai 2017.
L’exposition concomitante au Louvre de Vermeer et de Valentin de Boulogne. Ces deux peintres ont fait voir le seizième siècle. Le premier, Hollandais, peint des scènes d’intérieur, des femmes à l’ouvrage, des visites galantes, des paysages d’eau et des villes indolentes. Lumière et soucis du détail, rehaussent l’impression des sujets apaisés, vaquant à la vie doucement sur un tapis de murmure.
Le second, Français décédé à Rome, reproduit des scènes de luttes, des soldats énervés, des Dieux furieux et des martyrs. Les visages sont à la peine ou irrités, l’épée toujours tirée. La couleur y est haute, criante, sanguine. Le trait est épais, celui d’une humanité rageuse, telle la colère des Héros de l’antiquité, qui sabraient à tout va pour seulement exister.
Le nord et le sud de l’Europe. Le schéma s’est perpétué. Au nord, l’évolution continue depuis les Lumières dans la mesure et le respect. Au sud la réaction identitaire répond à l’immobilisme irresponsable. Le Sud est peut-être enfin en marche, sans la rage de Saint-Just ou le dédain de Joseph de Maistre.
Rue Pajol. Un abrégé de l’échec humain. Policiers et migrants se toisent. J’y ai vu des femmes, même une le ventre en l’air, sans doute pas la nuit. Dans un café il ne suffisait pas d’être seulement un homme, mais aussi avoir du bras et un cœur haut perché. Dans la rue, des hommes dont la terre est l’exile permanent, suspendus un instant dans un espace qui ne leur signifie rien. On leur reproche à raison une incivilité inacceptable. Soupçonnent-ils mêmes ce que veut dire et apporte la civilité ? Des policiers qu’on envoie au charbon de la répression, parce que les politiciens ne savent plus prévenir. L’égoïsme et la paresse ont acculé migrants et policier à une guerre ou il n’y a que des perdants.
Eugène Atget (1), au tournant des dix-neuvième et vingtième siècle, a fixé sur du papier argentique les rues de Paris. Dans le Marais, des hôtels particuliers ouverts à tout vent abritant des chapeliers, des verreries et des charbonniers derrières des façades encrassées. Aujourd’hui dans un des plus beaux hôtels, une grande marque, en le restaurant parfaitement, s’y est installée, s’appropriant une particule. Mais on ne dépasse plus la première cour ou un vigile-laquais ne sourit pas. N’y-a-t’il pas de solution médiane, un passage pour le commun respectueux ?
Au grand palais, à l’exposition « Jardins » est montré un manuel de Jacques Boyceau de La Barauderie « Traité de jardinage selon les raisons de la nature et de l’art divisé en trois livres-1638 ». Déjà, au dix-septième siècle nous savions donc que la nature avait une raison, et possédions l’art de l’apprivoiser et de la respecter. Pour certains aujourd’hui, tel Donald Trump et ses sectaires, il faut encore l’épuiser et ignorer ses mécanismes. La nature a une raison, eux n’en possèdent pas, ou comme dit Descartes « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien ».
Amine Issa
11/06/2017