Dignité et dignitaire, la confusion.
La dernière charge du président de la République contre le mauvais pastiche de « l’enlèvement au sérail » de notre premier ministre mis en scène par l’Arabie Saoudite est déroutante. Certes le royaume des sables où le théâtre est considéré comme un acte impie n’a pas l’habitude d’écrire des livrets recevables par la communauté internationale. Le président, prenant son mal en patiente, avec beaucoup de doigté, avait patienté, atermoyé sa position définitive, pour laisser les bons offices aboutir à un dénouement satisfaisant. Et quand celui-ci se dessinait, il décide de s’en prendre à l’Arabie Saoudite, adoptant la position de l’Iran et le Hezbollah. Qu’il soit gagné à leurs politiques ne fait pas de doute, il l’a toujours été. Mais l’exprimer aussi abruptement laisse pantois. Car il n’ignore sûrement pas l’importance des bonnes relations que le Liban doit maintenir avec les pays du Golf.
Le prétexte invoqué pour justifier son exaspération et de tous ceux qui soutiennent son point de vue est l’offense faite à notre dignité. Il est vrai que le comportement de l’Arabie Saoudite est une insulte. Mais n’est-ce pas devenu tellement la règle acceptée sinon encouragée par l’ensemble de la classe politique depuis des décennies ? Au point que cette insulte ne provoque plus la moindre poussée d’urticaire chez personne ? En sommes-nous encore vraiment indigné ? La classe politique prend-elle vraiment ombrage de ces affronts qui nous viennent de toutes parts ?
Notre dignité se résume-t-elle uniquement au refus de l’ingérence d’autres états dans nos affaires ? Une large partie des libanais la situe également ailleurs et l’ont à ce jour préservé. Elle l’est grâce aux producteurs (entrepreneurs et salariés) de biens et de services exportés et les expatriés économiques. Cela malgré la gestion calamiteuse de l’argent publique et les difficultés de l’émigration. Elle est celle du maintien d’un niveau de vie décent en termes de revenus, d’éducation et de soins. Elle est celle d’échapper à l’obligation, qui est le lot d’autres citoyens, de mendier des services sociaux et des salaires de subsistances aux détenteurs du pouvoir politique qu’ils ont pourtant élu.
Le président peut-il ignorer que la structure de l’économie libanaise est organiquement liée autant pour ses exportations que pour ses expatriés à celle des pays du Golf ? Des mesures de rétorsions de ces pays, ne vont-elle pas bafouer cette dignité ?
Sans doute ce qui a provoqué l’ire du président est également la réception digne d’un chef d’état que l’Arabie Saoudite a réservé au Patriarche Maronite. Certes, il ne faut pas innocenter le Royaume des Saoud de toutes malveillances politique en honorant un responsable chrétien de haut rang dont les relations avec le Président sont tendues. Mais en réagissant au lendemain de la visite du Patriarche, le Président à confirmer cette concurrence avec ce dernier qui n’a pas lieu d’être. Il aurait été plus habile de saluer cette visite, en la confinant dans le cadre du dialogue des religions dont elle ne doit pas dépasser les limites. En exprimant de façon indirecte son irritation contre le Patriarche, il lui reconnait un statut qu’il ne devrait pas avoir, celui de dirigeant politique.
Sayed Hassan Nassrallah est reçu comme un chef d’état en Iran, aujourd’hui le Patriarche est propulsé à ce statut en Arabie Saoudite. Il ne reste plus qu’au Mufti Abdellatif Derian de se rendre en Egypte ou le président Abdel Fattah al-Sissi le recevrait en collègue. A son retour à Beyrouth, il ne leur restera plus à ses trois dignitaires que de former une troïka à trois têtes et de déclarer le Liban une « théocratie ».
Amine Issa
19/11/2017