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citoyen libanais
23 décembre 2018

Gilets Jaunes, la victoire de la dynamique Macron.

Source: Flickr

Emmanuel Macron, un quasi inconnu du club politique, lance avant les élections présidentielles son mouvement En Marche, un collectif de citoyens qui ne se reconnaissent plus dans les partis traditionnels. Effrayés par les dérives autoritaires et identitaires du spectre de droite et de l’extrême gauche, déçus par la prestation invertébrée du mandat socialiste, ils cherchent une troisième voie. Le programme du candidat Macron est iconoclaste. Le sérail politique tente vainement de le caser à droite ou à gauche, des catégories qui ne font plus sens que sur leurs marges et ne sont plus synonymes que d’incompétences. Non pas qu’ils n’appliquent pas leurs manuels d’instructions économique et politique, mais parce qu’ils ne comprennent pas que ces manuels sont désormais obsolètes.

Le candidat Macron n’obtient que vingt-quatre pour cent des voix au premier tour, c’est peu. Mais il occupe la première place, ce qui reflète l’image blafarde de ses concurrents.

Elu, les français confirment leurs choix par un croisement d’adhésion à son programme et de sanction des partis traditionnels, en lui accordant une majorité au parlement.

Le président entame ensuite le chantier des réformes inscrites dans son programme, dont celles du statut des cheminots, du Code du Travail et du Baccalauréat. Trois sujets hautement inflammables. Les partis et les syndicats échouent à mobiliser les français pour y faire barrage et leur discours, qui ne fait que reprendre les antiennes, ne convainc plus. Leurs critiques sous couvert d’expertises ne cachent pas leur rage de revanche contre « l’intrus », mais les citoyens ne sont pas dupes et restent globalement indifférents.

Cette absence d’une opposition crédible est à l’origine du mouvement des Gilets Jaunes. Tout pouvoir en place a tendance à faire avancer ses pions là où il ne trouve pas de résistance. La France est une démocratie où les syndicats, les partis d’opposition, les corps intermédiaires, doivent servir de relais entre les citoyens et le gouvernement, afin d’avertir ou même arrêter celui-ci quand il impose des changements dont les effets sont insupportables. Mais ces corps, aveuglés par leurs dépits, n’ont pas su relayer le malaise des français face au rythme des réformes et le gouvernement n’a pas jugé bon de communiquer convenablement sur les enjeux de sa politique.

Le gouvernement n‘est pas responsable du laxisme et de l’inconséquence économique des quarante dernières années. Réparer les vices économiques structurels a besoin de temps. Or c’est ce dont ne dispose pas le gouvernement. L’ultraconsumérisme et le désir d’immédiateté que le néolibéralisme a imposé depuis les années quatre-vingt comme l’ultime valeur sociétale, l’en prive. Il aurait fallu plus de psychologie et moins de raideur face à la souffrance des plus fragiles et l’insoutenable inégalité, qui ne cesse de croitre depuis quatre décennies. Je ne suis pas expert pour juger de la pertinence économique de l’annulation de l’impôt sur les grandes fortunes, mais sa perception fut catastrophique pour ceux dont le revenu stagnait depuis trop longtemps.

Ainsi, sans le filtre des corps intermédiaires et la gaucherie du gouvernement, le mécontentement s’est fait révolte.

Mais qui sont les Gilets Jaunes ? Ils ressemblent à plus d’un égard aux électeurs d’Emmanuel Macron et à son mode d’organisation de candidat. Exceptées les classes aisées, ils traversent tout le tissu social français. Hormis quelques slogans rageurs et la violence des manifestations, aucun ne réclame un renversement de régime ni appelle à une utopie socialiste ou à un repli xénophobe à la recherche d’un bouc émissaire. C’est un mouvement populaire mais non populiste. On y trouve des fonctionnaires, des employés, mais également des artisans et des chefs de petites entreprises. Ils réclament une hausse du SMIC et des retraites et à la baisse du salaire des ministres. Mais conscients de l’importance capitale de l’entreprenariat pour la croissance, ils demandent autant une baisse des charges patronales que la fin des régimes spéciaux et la baisse de l’assistanat et n’exigent donc pas un abandon des réformes citées plus haut. S’ils critiquent l’évasion fiscale des plus riches et des multinationales, ils s’en prennent également à la mauvaise gestion d’un état qui gère annuellement par ses prélèvements, plus de la moitié de la richesse nationale. S’ils ne détiennent pas les compétences des technocrates (ceux-là, dans un monde aussi complexe peuvent-ils se passer de la remontée d’informations et d’expertises de ceux qui ont les mains dans le cambouis ?) ils ont le bon sens de ce que Adam Smith et John Rawls nomment « le spectateur impartial ». Je rappelle que du premier, les néo-libéraux n’ont retenu que la théorie économique de « la main invisible du marché » en occultant que pour son auteur ce n’était qu’un moyen d’assurer l’égalité sociale. Cette dissimulation est une forfaiture intellectuelle.

Les Gilets Jaunes, jusque-là en rangs dispersés, vont désormais s’organiser sous une forme inédite qu’on ne connait pas encore, en tous les cas différente de celle des corps intermédiaires traditionnels. Leur proposition de referendum d’initiative populaire et la création d’assemblée citoyenne, dont il faut encore étudier l’utilité et les risques pour la démocratie, ne font que confirmer la défiance envers ces mêmes corps. Cette organisation différente de l’action politique, Emmanuel Macron l’avait déjà réalisé pour mobiliser les Français autour de son projet. Maintenant les Gilets Jaunes vont le faire pour entamer le dialogue avec lui. Il aura bientôt un interlocuteur qu’il devra écouter et qu’il écoutera.

Amine Issa

23/12/2018

Commentaires
S
Merci pour cette analyse de la crise que nous traversons. Le problème des Gilets jaunes, c'est qui's sont allés chercher leurs arguments sur les réseaux sociaux, où le n'importe quoi coule à flots. Ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, se détournent des politiques compétents. Ils se tirent une balle dans le pied.<br /> <br /> Que peut-il en sortir? RIEN. Du désordre, du temps perdus, des morts inutiles, et, s'ils parviennent à abattre Macron, une dictature à sa place. <br /> <br /> En attendant, les passions effacent la Raison.
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