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citoyen libanais
6 septembre 2022

En temps de guerre les prix ne peuvent être confiés au seul marché au risque de détruire le libéralisme économique.

Source: Flickr

L’inflation qui frappe le monde et qui entame un mouvement de reflux, est expliquée par le mécanisme de l’offre et de la demande qui fixe les prix. À la sortie de la pandémie du Covid et à la reprise de la demande, les stocks étaient bas, la production connaissait une pénurie de microprocesseur, les transports étaient désorganisés et engorgés, les confinements kafkaïens de dizaines de millions de travailleurs en Chine et la pénurie de main d’œuvre dans beaucoup de pays, se sont traduits par une hausse des prix. À l’inverse aujourd’hui, le ralentissement de l’économie, après la surchauffe et la hausse des taux d’intérêt des banques centrales, la peur d’une extension du conflit à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, freinent la demande ce qui réduit les prix. Ceci est un raccourci qui mériterait plus de nuance, mais ce n’est pas le propos de cet article.

Nous sommes donc à observer des fluctuations que le système libéral a confié au marché comme le meilleur régulateur du juste prix. Ce mécanisme qui a montré son efficience pour la croissance en terme absolu (il ne corrige pas les inégalités dans la répartition des richesses, cela relevant de la politique fiscale), ne peut fonctionner efficacement que si les inductions et les fondements libéraux d’une économie dynamique sont respectée par l’ensemble des agents économiques.

Des libertés prises à l’égard de ces inductions et fondements sont aujourd’hui en train de fausser le jeu.

À la veille de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à son commencement, les marchés craignant une pénurie de pétrole, l’ont anticipée et les prix ont augmenté ce qui a fouetté l’inflation dans le monde entier. Or il n’eut pas de pénurie, le pétrole russe continuant à être livré. Et même quand l’Europe, les États-Unis et d’autres pays ont décidé à des degrés divers de renoncer au pétrole russe, celui-ci à trouver d’autre débouché. Mais en même temps cela a libéré d’autres sources d’approvisionnement, c’est-à-dire celles des producteurs qui ont perdu des parts de marché au profit de la Russie et ont redirigé une partie de leurs exportations vers les États-Unis et l’Europe. Cela ne va pas sans perturbations et provoqués une hausse des prix, mais pas celle que l’on a connu. Les chiffres sont têtus, les grands pétroliers du monde ont tous annoncé une hausse de leurs bénéfices sans que leur production ni la demande n’ait augmentée. (A titre d’exemple au premier trimestre 2022 et par rapport au précédent : Shell plus 43%, BP plus 53%, Exxon Mobil plus 100% alors qu’il a produit moins que le trimestre précédent)

En quoi tout cela contredit le libéralisme, si les acheteurs sont disposés à payer un prix même s’il ne reflète pas une rareté du produit ?

Le libéralisme et la première révolution industrielle ont établi que désormais le meilleur moyen de s’enrichir n’était plus la guerre et la confiscation des biens d’autrui par la force, mais la production et le commerce libre. Certes de nos jours nous assistons encore à des prédations ou à des guerres où l’on détruit un pays à l’avantage des industries d’armements ou pour le reconstruire en lui hypothéquant ses ressources pour se faire rembourser. Je donne ici en exemple les États-Unis en Irak ou les Russes et les Iraniens en Syrie qui avant même la fin de la guerre ont mis la main sur les mines de matières premières de ce pays. Mais cela reste infime par rapport aux bénéfices du commerce en temps de paix.

Or profiter de la guerre en Ukraine pour augmenter les prix du pétrole mets en danger l’économie de la coalition qui soutient militairement l’Ukraine peut entraîner des conséquences désastreuses sur la paix mondiale. Ces pays à qui l’on peut reprocher d’avoir provoqué inutilement la Russie les décennies précédentes ou de l’avoir absoute de son annexion de la Crimée, si leur économie venait à péricliter, pourraient renoncer à soutenir Kiev. Cela ne pourra qu’aiguiser l’appétit de Vladimir Poutine et d’autres dirigeants expansionnistes à travers le monde. Ce sera un retour à la prédation et c’en sera finit d’un des principaux fondements du libéralisme.

La perte de patience de l’opinion publique des états qui soutiennent l’effort de guerre de l’Ukraine se manifeste déjà. Depuis le début de la crise, les médias occidentaux interrogent leurs citoyens sur les effets de la hausse des prix des carburants. La plainte est généralisée. Certes, certains plus fragiles que d’autres sont rudement malmenés, mais quand cela tourne à l’obsession nationale et que les médias se focalisent sur cette litanie, cela devient inquiétant. D’autant plus que je n'ai personnellement (et donc je peux me tromper) jamais entendu un seul interviewé accepter le recul de son pouvoir d’achat si c’est le prix à payer pour sauver une démocratie et un peuple aux portes de l’Europe de l’invasion russe. Aux États-Unis les élections de mi-mandat peuvent se jouer sur le prix du gallon d’essence et renverser la majorité au congrès au profit des Républicains liberticides (liberté de se déplacer sans risquer de se faire tuer par un illuminé lourdement armé, liberté d’avorter, liberté d’élire un nouveau président quand le sortant ne reconnait pas sa défaite et tente un coup d’État camouflé en émeute spontanée)

Face à ce danger ce ne serait pas trahir le libéralisme que d’exiger des grandes compagnies pétrolières occidentales de renoncer momentanément à cette envolée de leurs bénéfices. Si l’occident n’a pas de levier suffisamment puissant pour faire plier les pétroliers du Moyen-Orient et d’ailleurs il peut attendre des siens une attitude responsable.

A la dernière réunion des G7 les dirigeants des pays les plus riches ont annoncés vouloir trouver un mécanisme pour plafonner les prix du pétrole. Ce n’est certes pas une tache facile, mais c’est avant tout une question de volonté pour que l’entreprise est une chance de réussir. Adam Smith un des pères du libéralisme et de la liberté du marché écrivait que les monopoles pouvaient « tenir le prix de marché au-dessus du prix naturel » celui-ci justement régularisé par le marché et la libre concurrence. Et il ajoute « des renchérissements de ce genre, dans le prix de marché, dureront aussi longtemps que les règlements de police qui y ont donné lieu ». Entendre par police les règlements des pouvoirs publiques. Cette initiative du G7 et d’autres particulaires à chaque pays seraient prises dans le respect de la théorie libéral.  (La richesse des nations, Adam Smith, GF-Flammarion, tome 1, livre 1, chapitre 7, page 132).

Est-ce dans ce sens que l’on peut expliquer la décision en France de Total et des exploitants des autoroutes de baisser leurs prix ?

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