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citoyen libanais
4 avril 2020

Il est une autre pandémie chronique que l’on ne traite pas

Source: Flickr

Le voile de pudeur commence à se lever sur l’approche économiquement utilitaire du confinement suite à la pandémie du Covid-19. Ce qui, dès les premières mesures de confinement, avait suscité l’intérêt d’économistes et moralistes, s’écrit aujourd’hui dans la presse par ceux-là et plus vulgairement par des dirigeants tels Donald Trump ou Jair Bolsonaro, le président brésilien.

Ce qui se dit aborde la question sous plusieurs approches. Certaines sont scientifiques et font la comparaison entre le nombre de morts provoqués par un confinement partiel et le nombre de morts à attendre suite à la destruction d’emplois provoquant des suicides, des meurtres, pour se procurer de l’argent pour survivre, ou ceux provoqués par l’effondrement du système de santé à cause de la récession, ou encore ceux qui manqueront de soin faute de pouvoir payer une assurance-maladie.

D’autres sont plus radicaux et se demandent si le maintien de notre niveau de vie ne vaut pas la peine de sacrifier un pourcentage de la population.

En même temps que ces derniers se soulèvent à chaque catastrophe naturelle contre les pourfendeurs de notre mode de consommation qui a détruit la planète et est souvent la cause de ces mêmes catastrophes. Eux, également, sont capables de quantifier le nombre de morts que la destruction de l’environnement entraine.

Ces études, déclarations et mesures montrent en creux le peu d’intérêt, sauf verbal, qui est accordé à une autre source de morts, de catastrophes naturelles et économiques, elles-mêmes sources de nouveaux morts : les guerres.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, elles en provoquent moins et ne sont plus globales. Les grandes puissances et les États riches ont renoncé à se battre directement, mais ils continuent de le faire par procuration dans les pays émergents et surtout pauvres. Et ceux-là, qui n’ont pas encore admis la prééminence de la vie comme valeur précédant toutes les autres, entre régimes dictatoriaux et soif impérial de petite facture, ne se retiennent pas de guerroyer. À l’intérieur par la répression, à l’extérieur en s’en prenant à leurs voisins proches et éloignés. Tel est le cas de l’Iran, la Turquie, les pays du Golfe, Cuba, le Venezuela, Israël et des pays d’Afrique, chacun selon ses visées et ses intérêts.

Pour ne retenir qu’un exemple, celui de la Syrie. Les 40 000 morts par an en moyenne depuis le début du conflit ne suscitent aucune action pour y mettre fin. Bien au contraire, plus les années passent plus la communauté internationale s’implique en y augmentant le nombre de victimes. Alors que ce même chiffre attribué au Covid-19 aurait mobilisé des aides médicales et l’intervention du FMI qui s’apprête à aider des pays touchés par la pandémie.

Une explication : peut-être que la guerre est le fait des hommes, alors qu’un virus, même si sa mutation et sa propagation leur sont également attribuées, reste celui de la nature. Celui dont les humeurs changeantes et destructrices ont toujours effrayé les hommes depuis qu’ils existent sur la terre. Avant les grandes découvertes scientifiques, l’ordre ou le désordre divin servait d’explications à ces soubresauts ravageurs et on s’en remettait aux intercesseurs de cet ordre pour espérer être épargnés. Depuis, cette utopie s’est largement dissipée. Au lieu de quoi la science apporte des solutions.

Comme sous l’ordre divin, sous celui de la science, face aux caprices de la nature un combat unifié et le sentiment d’urgence entraînent des mesures pour stopper l’hécatombe. Ce n’est pas encore le cas pour les guerres.

Je disais la guerre est le fait des hommes pas celui de la nature. Mais ne sommes-nous pas également nature ? Peut-on affirmer sans hésitation que la nature n’a pas d’intelligence ou de conscience d’elle-même pour la différencier des hommes. À quel aune mesure-t-on ces deux qualités que nous prétendons seuls posséder et en exclure la nature ?

Est-ce uniquement notre égoïsme qui nous différencie vraiment et qui nous laisse indifférents à la souffrance des autres due à une guerre qui ne nous touche pas directement ? Mais que sait-on vraiment de la nature pour dire qu’elle-même ne peut pas être égoïste ?

Reconnaissons « l’égoïsme » comme étant la pandémie universelle. Opposons-lui l’empathie qui est aussi naturelle. Peut-être que les guerres cesseront !

Amine Issa

04/04/20

 

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