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citoyen libanais
30 avril 2010

Elections autour d’un Mezze

Cette fois la politique ne sert que de paravent aux petites rentes individuelles. Dans la majorité des listes concurrentes au Mont-Liban, on aura vu, des «Marsiens» des deux camps, copiner comme larrons en foire, ou des «Marsiens» du même camp s’invectiver du perchoir de listes opposées. Vive la famille. C’est le mot d’ordre, c’est l’entente et la représentation de tous les foyers qui sont la garantie de la bonne gestion des égouts municipaux. Un sage dosage de la répartition des sièges au prorata de la taille des familles, aura tenu lieu de débat électoral. Somme toute, celui-ci était inutile, vu que tout le monde promet «le développement», «le changement» et «la loyauté». Ce qui distingue ces slogans d’une liste à l’autre, est l’ordre dans lequel ils sont cités. Des slogans magnifiques qui ont la principale qualité d’être invérifiables. Quelle est la mesure de la loyauté d’un président de municipalité par rapport à ses administrés? Le développement, s’il n’annonce pas des projets précis et chiffrés, se résumera à la construction d’un hôtel municipal pharaonique, comme on l’a déjà vu dans plus d’un village, ou à la plantation d’arbres au bord des routes, qui ne vivent qu’une saison, la faute étant bien entendu au réchauffement climatique, jamais à l’absence de budget pour leur entretien. Voilà pour ce qui est du Mont-Liban où les chrétiens sont majoritaires. Dans les régions où les sunnites et les chiites voteront, le rôle des partis n’est qu’apparemment déterminant. Si le Hezbollah, Amal et le Courant du futur imposent des disciplines de votes incontestables, c’est bien dans le sens de la représentation de toutes les familles dans les conseils municipaux. Comme ces partis possèdent un quasi-monopole sur le paysage politique de leur région, il leur est très facile de monter des listes partisanes incluant toutes les familles. A Baalbeck, même le Hezbollah s’est fait taper sur les doigts quand il essaya d’échapper à cette règle. Et tout compte fait pour ce grand parti, la tâche est d’autant plus facile qu’une militante est une «sœur» et un résistant est un «frère», dans la terminologie partisane. Reste, que cet amour immodéré pour les relations fraternelles dans la chose publique, n’est-il pas une invitation à la «grande sœur» pour s’immiscer à nouveau dans nos querelles mesquines?

Pourquoi cette unanimité autour de la représentation familiale au sein des conseils municipaux est nuisible? La municipalité est le premier cercle de pouvoir représentatif. C’est immédiatement après la cellule familiale, la première institution où des citoyens élus, donc en principe redevables à leurs électeurs, sont appelés à prendre des décisions qui ont un impact sur l’ensemble de la commune. Or à ce niveau et à celui plus complexe, de la représentation législative ou de la pratique exécutive des gouvernements, les seuls critères pour le choix des personnes appelées à avoir des responsabilités, doivent être la compétence, l’intégrité et le sens de l’intérêt public. Dans les dosages à la balance pharmaceutique des équilibres familiaux dans la composition des listes, je doute fort que ces critères soient une priorité. De plus, Emmanuel Todd nous explique l’influence des structures familiales sur la compréhension et l’application de notions telles que l’égalité, la liberté, la justice et la démocratie, par les citoyens au pouvoir. Il s’appuie autant sur l’observation de pays tel que la France, l’Angleterre, que sur celle de la Chine et la Russie, au lendemain de leurs révolutions respectives, et la prise du pouvoir par les citoyens. Si l’on utilise sa grille de lecture, on constate d’abord que la structure familiale au Liban est avant tout paternaliste, donc despotique et souvent injuste. Cette structure familiale se caractérise également, tant par la primogéniture, c'est-à-dire une préférence pour l’ainé, que par le machisme, donc source d’inégalité. Economiquement, les affaires et les propriétés sont souvent familiales, ce qui ne peut se traduire que par des confusions entre intérêt général et ceux de la famille de chaque élu municipale.

Reste que le consensus est depuis Doha dans l’air du temps, et que rien ne doit ternir la belle unanimité, même au prix de conseils municipaux promis, à quelques exceptions, au pire à la corruption et au mieux à l’inefficacité.

Amine Issa   

L’Hébdo Magazine

30/04/2010

 

 

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