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citoyen libanais
17 mai 2011

Avant toute chose

 Le gouvernement est formé. Le 14 mars s’installe dans une opposition coriace. Désormais, Najib Mikati a les coudées franches. Le chantier est énorme. Mais il doit, avec son gouvernement, établir un ordre de priorités. Deux premiers obstacles sont à franchir et un défi à relever. Le reste en dépendra. Ils revêtent un caractère d’urgence à l’aune des changements qui bouleversent le monde arabe dont on ne peut ignorer les répercussions sur l’humeur des Libanais. D’abord, le nœud du TSL. Les partenaires du Premier ministre ne veulent plus en entendre parler. Il est vrai que le tribunal a fait preuve d’une hâte déplorable dans ses conclusions. L’épisode des invraisemblables témoins est édifiant. Mais on ne peut condamner la justice parce qu’elle est imparfaite. Il faut la dénoncer quand c’est le cas, demander réparation, la corriger, mais ne jamais y renoncer. La dénonciation par le Liban des accords avec le TSL peut lui valoir des sanctions. Ce qui sera pénible. Plus grave, sera l’impression que ce gouvernement couvre les assassins et donc les encourage à reprendre du service. Mais le plus inquiétant est ailleurs. L’assassinat de Rafic Hariri a eu deux conséquences: le départ des troupes syriennes du Liban, le sentiment des Libanais d’y avoir contribué et l’espoir de maîtriser désormais leurs destins. Cette maîtrise ne s’est pas réalisée parce que nos dirigeants ne savent pas ou ne veulent pas le faire. En passant par pertes et profits, l’assassinat de Rafic Hariri et de tous les autres, au nom d’impératifs tactiques locaux et régionaux, on enterrerait définitivement l’espérance de tout un peuple. L’enjeu est d’ordre psychologique, mais il est vital. Les peuples arabes, après les révolutions confisquées des années 50, ont mis soixante ans à se ressaisir et à espérer de nouveau. Nous n’avons plus de génération à perdre.

Ensuite, les armes du Hezbollah. La formule toute prête du triptyque «peuple, armée et Résistance» est inadmissible. La tension, avec Israël, l’Occident et certains pays arabes, que provoque l’armement du Hezbollah, n’est pas le seul souci que devra affronter le gouvernement. D’ailleurs, face à l’arrogance d’Israël, il n’est pas nécessaire de le rassurer. Ce qui est davantage préoccupant reste l’incidence du statut de ces armes sur la cohésion du Liban et de son système politique. Si, dans les pays arabes dont les dirigeants ont été renversés, l’exclusivité de l’usage de la force était impartie au gouvernement au nom de la nation, c’était en fait un leurre. Dans ces pays où les présidents ne sont pas élus, ou font semblant de l’être, l’autocrate disposait seul du pouvoir de déclencher la machine de guerre, sans que la nation ne soit consultée. Il nommait ses partisans, ses fidèles, les membres de sa confession, aux postes-clés des forces armées, excluant tout citoyen qui ne serait pas associé ou du moins acquis à son exploitation du pouvoir. C’est pour cela que ces régimes se sont avérés minés dans leurs fondations et se sont écroulés rapidement. La brutalité ne sauvera pas les régimes qui tiennent encore, ils sont irrémédiablement ébranlés. Le Hezbollah ne peut plus désormais s’arroger le privilège et le devoir de défendre seul le territoire national à l’exclusion des autres Libanais représentés par l’Etat. Aucun parti ne peut ignorer désormais le danger de désintégration qui nous guette, s’il cautionne cette conduite.

Enfin, il faudra au plus tôt repenser la nature de l’Etat. La réécriture de la Constitution, pour éviter les blocages institutionnels et doter le président de la République de pouvoirs lui permettant de remplir ses fonctions de chef d’Etat, n’est pas suffisante. Nous, qui croyions que le confessionnalisme était une tare locale, constatons que les pays arabes, plongés 60 ans durant dans un coma artificiel, sont atteints de la même maladie. Tant que cette affection restait silencieuse chez eux, ces pays pouvaient, il est vrai, l’exacerber au Liban. Mais ils ont aussi, plus d’une fois, contrôlé ses dérapages pour qu’elle ne se transpose pas chez eux, pour que le Liban ne devienne un cadavre encombrant. Maintenant que le danger du confessionnalisme les guette à leur tour, il pourrait se revigorer au Liban et lui être fatal. Le plus désolant serait que les pays arabes bâtissent, en fin de compte, un Etat civil et une nation citoyenne et que nous en restions accrochés à nos bastions confessionnels. Il ne s’agit pas uniquement de désigner une commission de sages pour débattre de la question, ou d’attendre l’improbable disparition spontanée du confessionnalisme. Il faut dès maintenant prendre une mesure forte, impressionnante, comme l’instauration du mariage civil, montrer une volonté réelle de changement.

C’est par ces mesures seulement que le gouvernement fera la différence, qu’il démontrera qu’il n’est pas une simple soustraction de 14 moins 6. La Déclaration ministérielle donnera le ton.

 

L'Hebdo Magazine

Amine Issa

17/05/2011

 

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