Paradoxes et autres incongruités
L’Amérique contre Barack Obama. Depuis le discours inaugural du Caire, en 2009, et celui devant le Congrès en mai dernier, le président américain tente de se réconcilier avec le monde arabe et musulman. Les révoltes qui s’y déroulent sont pour lui une occasion de se trouver du bon côté et de plaire. C’est sans compter avec le Congrès. Ces deux dernières semaines, ce dernier vient de passer deux lois, l’une qui suspend l’aide financière à l’Autorité palestinienne et l’autre qui interdit au Pentagone de livrer du matériel militaire aux rebelles libyens. La France, elle, leur a remis des missiles Milan, une arme redoutable contre les blindés et qui, vraisemblablement, a permis aux insurgés de bousculer les chars du colonel Kadhafi. L’on comprendra ainsi les dégâts causés à la politique de Barack Obama par l’embargo des députés américains sur la livraison d’armes aux rebelles et l’assèchement des caisses de Ramallah. Les républicains, mâtinés d’évangélistes bibliques, maîtrisent avec brio l’art de tirer une balle dans le pied de leur président.
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La droite israélienne se félicite d’avoir fait voter à la Knesset une loi qui menace de poursuites judiciaires quiconque appellerait au boycott des produits fabriqués dans les colonies en Cisjordanie. Ces colonies sont, au regard du droit international, illégales. Leurs occupants peuvent maintenant, devant un tribunal, poursuivre toute personne qui, en les boycottant, voudrait dénoncer cette illégalité. Curieuse notion de droit. Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères et héraut de la droite, à force de fréquenter les potentats arabes, n’est plus à une invraisemblance près.
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Moustapha Dirani, résistant et cadre du Hezbollah, est enlevé par un commando israélien en 1994 dans son village de Ksarnaba, près de Zahlé. Emprisonné et torturé pendant dix ans, il décide de porter plainte contre l’Etat hébreu, devant un tribunal israélien. La Haute Cour de Jérusalem vient de lui confirmer son droit de poursuivre l’Etat d’Israël contre l’avis du procureur général. Voilà donc le Hezbollah qui s’en remet à une magistrature israélienne, mais dénonce le TSL parce qu’il serait une émanation de cette même justice. Etrange paradoxe.
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Homs et le spectre de la guerre confessionnelle. Quarante ans de dictature, de fausse laïcité (c’est une communauté qui détient l’essentiel du pouvoir), d’encouragement d’un islam informel pour faire plaisir aux monarchies dévotes du Golfe, de paupérisation et maintenant de répression sanglante, ont deux conséquences. L’écoute des plus indigents accordés aux marchands de paradis en turbans et la désertion de la raison chez ceux qui en possédaient encore, après quatre décennies de débilisation au biberon du Baas. Même si ces insurgés violents ne sont qu’une minorité, ils sont dangereux, jusqu’au-boutistes, n’ont rien à perdre et ne s’arrêteront pas. Si le résultat sera autant catastrophique pour eux que pour l’ensemble de la Syrie, ce processus d’autodestruction est parfaitement intelligible, le régime devrait le comprendre et très vite cesser de reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre pour pouvoir, avec l’assentiment de tous les Syriens, soumettre ces pyromanes. Sans cette caution, il lui sera impossible de les arrêter. Les «amis» de la Syrie y veilleront.
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L’Egypte innove. Le Parlement étant dissout, c’est le Conseil militaire suprême qui détient la réalité du pouvoir. C’est, auprès de lui, que le Premier ministre doit obtenir la légitimité de son gouvernement remanié. Il n’en est rien. Issam Charaf s’adresse à la place al-Tahrir pour obtenir la confiance pour son cabinet. C’est cette même place qui l’avait poussé à renvoyer mille officiers de police impliqués dans la répression qui a précédé la chute du président Moubarak. C’est cette même place qui l’a convaincu de se séparer des ministres issus de l’ancien régime, cette place où les islamistes se font de plus en plus rares.
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Cette image diffusée dans la presse. Des partisans de Courant du futur, assis en rangs serrés devant un grand écran, regardant la dernière intervention télévisée de l’ancien Premier ministre Saad Hariri. Mimétisme communautaire, pourtant sayyed Hassan Nasrallah possède d’autres qualités que pourrait lui emprunter son rival. Nous avions un «Big Brother», maintenant il y en a deux, George Orwell doit être ravi.
Amine Issa
L’Hébdo Magazine
22/07/2011